Il a quitté IBM en avril dernier, et n’est pas resté inactif, lui qui siégeait déjà au Conseil d’administration de l’université de Nice Sophia-Antipolis, répondant ainsi aux exigences de la loi Pécresse qui préconise désormais l’élection de chefs d’entreprises au sein des instances universitaires. En 2006, IBM et l’UNSA avaient signé un partenariat, dont l’objectif était de créer un pont entre université et entreprises, conclu par l’implication d’une douzaine de dirigeants offrant leurs premières recommandations. Avec l’avènement du COSE en novembre 2008, le monde de l’entreprenariat va encore plus loin : les recommandations sont aujourd’hui, projets, mise en place de formations… « Il s’agit bien de faire partager nos connaissances sur les évolutions du monde du travail, et ainsi aider à un développement cohérent des universités » souligne Jacques Gros, aujourd’hui rejoint par une vingtaine de chefs d’entreprise répartis en sept groupes de travail. Georges Dao (Cari) a opté pour la thématique du développement durable. Jean-Christophe Delvallet (Pôle Cap Energie) pour la valorisation de la recherche, Jean-Pierre Blanc (Malongo) pour l’image, le marketing et la communication. Et Jacques Gros pour la visibilité internationale. Loin des « y’a qu’à, faut qu’on », le comité s’est d’ores et déjà fixé un axe stratégique et un plan concret d’actions. « Si nous voulons exister dans le futur, il faut être visibles au plan mondial. Le combat économique est mondial : mais un talent sans reconnaissance ne sert à rien… » D’où l’importance de cette visibilité, qui commence par une formation universitaire appropriée.

La grande force de Jacques Gros ? « J’ai reçu en 2007 à la Gaude plus de 1.200 chefs d’entreprise. En 2008, 1.300… Tous vous décrivent l’évolution du monde. » Car évolution il y a, et aux universités de s’adapter au mieux et au plus vite, afin de fournir la providentielle manne de talents qui garantira la compétitivité d’une économie en pleine mutation. « On va chercher les talents là où ils sont. Et un talent sans reconnaissance ne sert à rien. A nous d’être reconnus, d’être visibles, au niveau mondial. » Un exemple concret ? « On parle de 88.000 emplois à venir dans le développement durable. Vite, il faut penser à une formation. C’est notre devoir de citoyen que de s’occuper de l’éducation, si nous voulons garder une place dans le monde de demain. » D’Amadeus à la PME, ils sont donc partis en croisade.

Georges Dao et son groupe de travail (ADEME, IBM, Thales, Veolia, EDF, mais aussi des lycées, l’UPE ou la Fondation Nicolas Hulot) ont déjà bien avancé : dès septembre 2009, une formation d’ingénieur manager dans le domaine du développement durable sera mise en place à l’UNSA. « Un signal fort, pour des ambitions encore plus fortes.» Bâtiment, transport, mobilité, les débouchés sont infinis, du chercheur au juriste, et Jacques Gros d’envisager d’aller très prochainement jusqu’au doctorat dans un secteur encore en friches.

« Nous avons aussi beaucoup avancé sur un autre thème porteur, celui de la gérontologie. Il y a là des besoins, et notre positionnement est assez unique, d’où l’importance d’une formation autour des sciences du vieillissement. » Côté universitaire, l’on est très attentif à ces recommandations « patronales », et l’on se montre presque surpris d’une telle constructivité collective. « Notre démarche tient aussi de la passion. Tous les chefs d’entreprise s’impliquent à fond dans le comité. Et ils sont de plus en plus nombreux à se rapprocher. » D’une vingtaine d’apôtres, ils sont désormais 54 à prêcher la bonne parole auprès des équipes d’Albert Marouani. « Nous voulons aller encore plus loin que les multiples partenariats signés entre université et entreprises. » Ainsi à Nice, un bureau de l’insertion professionnelle a-t-il été créé cette année, couplé à une « banque de stages ».

Les signaux sont au vert pour le COSE, mais la ligne de conduite reste précise : avec 56 propositions d’actions pré-définies sur 11 axes stratégiques, il s’agit bien de concentrer les efforts et les ressources sur un petit nombre de domaines d’excellence à ambition mondiale, « qui, de fait, auront un rayonnement international et tireront l’image et la notoriété de l’UNSA sans rejeter la vraie pluridisciplinarité, qui est une réelle richesse. Mais il nous faut comprendre qu’aujourd’hui, nous avons besoin de cette nécessité d’excellence au plan mondial pour survivre. » Une visibilité internationale qui passera bien sûr par le développement des formations en anglais, par le recrutement d’enseignants étrangers ou des partenariats avec des universités anglophones, ou encore par un plan de valorisation de la recherche, moteur puissant qui actuellement tourne à trop faible régime.

Et pour que cette visibilité soit pérenne, le COSE, dans ses ambitions d’unité, de dynamisme et de notoriété souhaite au plus tôt créer une « marque ombrelle », attractive et symbolique, pour faire de Nice Sophia-Antipolis une université modèle… et moderne. « Nice a vocation à être un phare », a dit Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur. « Dans le cadre euro-méditerranéen » a-t-elle rajouté, mentionnant quelques thèmes chers au COSE : santé, développement durable et technologies de l’information. 

Jacques Gros et ses disciples, eux, croient en un avenir bien plus grand.

Isabelle AUZIAS
LA TRIBUNE