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Le Carnaval représente un univers peuplé de personnages mythiques et symboliques médiateurs entre le monde des Ténèbres et celui du Ciel.

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Ces personnages, êtres ou animaux psychopompes, ont pour mission d'entraîner les "âmes errantes", des Ténèbres, vers l'univers Céleste.

Dans les carnavals du temps jadis, un psychodrame se jouait, où les créatures du diable, de l'enfer, précédaient celles du monde céleste ou bien évoluaient à leurs côtés.

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Herlechinus, Harlequin, Hellequin, diable dans la mythologie populaire, devenu l'Homme Sauvage, entraînait les âmes errantes, au son d'un charivari, dont les échos retentissent encore de fêtes d’origine rurale et païenne, le Carnaval se développe dans les villes médiévales et parodie le cortège d'entrée des Princes de la Renaissance.

Des défilés de chars apparaissent pour connaître une forme nouvelle à la fin du XIXe siècle sous l'impulsion de l'ltalie et surtout de Nice, qui dès 1873 présentait le plus important défilé carnavalesque du monde en présence d'un public d'hivernants prestigieux.

Ce public d'esthètes se doutait-il en participant ainsi au Carnaval qu'il assistait à un défilé pour lequel, les carnavaliers puisaient leur source d'inspiration dans les traditions les plus profondes et anciennes de cette Fête ?

Celles que l'on retrouvait bien ancrées à la fois dans la culture traditionnelle et européenne dans les villages du haut pays niçois et que connaissaient bien les plus grands artistes imagiers du Carnaval Alexis Mossa, et son fils Gustave Adolphe.

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Dans cette mise en place des corsi carnavalesques à partir de 1873, nous assistons à une représentation de plusieurs thèmes mythiques ou puisés dans l'imagerie populaire et les carnavaliers par chars interposés expriment un inconscient collectif, et reproduisent la mythologie populaire du Carnaval - notamment celui qui a trait au monde de l'inversion et de l’imaginaire fantastique, et permettent la coexistence d'un univers apollinien et dionysiaque.

La bataille de la Ratapignata

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Les premiers défilés de chars sont plutôt de style allégorique : Éloge de la paix en 1874, l'année suivante, triomphe de Catherine Ségurane, l'héroïne niçoise qui s'illustra lors du siège de Nice en 1543. Mais en cette même année 1875 une autre conception carnavalesque apparaît sur le corso avec le fameux char des Ratapignata (chauves-souris).

Quarante chauves-souris déploient leurs ailes noires doublées de peaux de lapin ou de chat sur un manoir en ruine imposant par la taille (six mètres) et le réalisme des costumes. Ce char fit grande impression sur le corso mais il n'obtint cependant pas le premier prix.

Le Comité des fêtes préféra l'académisme pompier du char de Catherine Ségurane.

Ce jugement fut contesté. Deux clans s'affrontèrent vigoureusement dans la ville : d'un côté les séparatistes (partisans d'un retour de Nice vers le royaume d'Italie) en faveur de Catherine Ségurane et de l'autre le parti français qui avait choisi les Ratapignata. Le Comité des fêtes démissionna et le carnaval adopta un style davantage grotesque au détriment de la fête allégorique qui fut réservée aux batailles de fleurs.

 

La Ratapignata, expression d’une pensée sauvage.

En 1875, l'apparition sur le corso niçois de la place de la Préfecture et du Cours Saleya, du fameux char de la Ratapignata (chauve-souris), et les conséquences que cela entraîna dans l'évolution du Carnaval, fit voler en éclat le ron-ron allégorique et un peu niais vers lequel s'orientait la fête carnavalesque.

L'utilisation de la langue niçoise, de l’inversion et du symbole, par les réalisateurs du char de la Ratapignata leur permet d'affirmer l'existence d'une communauté niçoise, positive et plus subtile que ne laissaient supposer les images parfois dévalorisantes que les membres de la colonie hivernante écrivaient à leur sujet, ou bien certains rapports de fonctionnaires français qualifiant de sous-développées les populations du pays niçois.

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La Ratapignata, "souris pourvue d'ailes", est une représentation (inversée) de l'Aigle, symbole héraldique de Nice. Elle fait aussi partie du bestiaire carnavalesque, comme l'Ours, animal-clé dans cet univers symbolique. Comme lui, elle hiverne et se réveille au printemps. Animal psychopompe, elle est un médiateur entre le monde des ténèbres et celui de la lumière. Elle ouvre la voie de la connaissance, de l'initiation et de la sagesse, même si l'on doit s'enfoncer dans les ténèbres pour y parvenir.

Car effectivement, selon les cultures et les traditions, la chauve-souris, "impératrice" du monde des Ténèbres, est plutôt chargée, de valeurs négatives, diaboliques, et apparemment elle semble exorcisée de tout pouvoir maléfique, dans le carnaval mais aussi la culture niçoise.

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N'oublions pas que le grand chantre du pays niçois, Menica Rondelly, auteur de l'hymne Nissa la Bella, avait créé par la suite, la Ratapignata, journal entièrement rédigé en niçois, et que la chauve-souris est devenue l'un des plus forts symboles de l'identité culturelle du Niçois.

L'impact de ce char, sur le corso, était d'une grande force : n'était-ce point là une manière d'endosser, au premier abord, l'aspect inquiétant, ténébreux, laid de la chauve-souris, et de le transformer en symbole de sagesse, perspicacité, intelligence. Elle représentait une manière à la fois subtile et grotesque de la part des autochtones de faire front aux critiques, au sentiment de supériorité des "étrangers" vis-à-vis de la culture niçoise populaire. Elle devenait le totem des Niçois, et l'affirmation d'une identité "sauvage".

Le sacrifice du chat, bouc émissaire du Carnaval

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La réalisation du char de la Ratapignata, fut l'objet d'une passion démesurée, et d'un acte que nous jugerions excessif de nos jours et qui va dans le sens de cette "identité sauvage" que nous venons d'évoquer…

En effet, le costume des figurants comportait des ailes de soie noire, un masque de chauve-souris, et un corps en fourrure noire.

Des peaux de lapin avaient été d'abord prévues, mais comme elles étaient en nombre insuffisant, Jean Cuggia raconta au journaliste Joseph Suppo, qu'avec ses amis, ils s'étaient rabattus sur les chats du quartier : c'est ainsi que trois cents chats du quartier disparurent.

Effectivement, le chat n'a pas toujours un sort heureux dans les carnavals, que ce soit dans le passé ou même encore de nos jours.

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Dans le passé, plusieurs cités réservaient un sort funeste aux chats, pendant la période du carnaval comme le précise Arnold Van Gennep. Selon certaines croyances populaires, les chats mis à mort représentaient le diable. Venise, à la Renaissance, était le lieu d'un jeu cruel appelé « jeu du Chat », pendant le Carnaval. Des hommes, crâne rasé, devaient écraser avec leur tête le corps d'un chat, attaché ("mis en croix") toutes griffes dehors sur une planchette, fixée contre un mur ou un poteau.
En Espagne, Carlo Baroja précise que l'on berne des chats ou des chiens à la place du Pelele, ce mannequin qui ressemble au Paillassou niçois. Dans ce cas, le chat ne subit pas un sort tragique, mais il est utilisé comme un médiateur entre le Haut et le Bas, le Ciel et les Ténèbres.

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A Rio ou Bahia, le chat était très recherché pendant le Carnaval. Car pour certains sa peau servirait à la fabrication de l'un des instruments à percussion les plus fameux du Carnaval, la "Cuica"; selon les Brésiliens, jouer de la Cuica signifie "faire parler la peau du chat".

Dans le cas exceptionnel du char de la Ratapignata, le sacrifice du chat représentait le sacrifice inversé de la chauve-souris consacrée animal totem, par une collectivité niçoise, qui s’identifiait positivement à elle.

 

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