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retraite-m-chappuisChapitre 11

Célestin Beluga, maire, un retraité de trop ?

Si vous avez raté le chapitre précédent...


Un malaise inexplicable dérangeait l’esprit réglé sur des choses mesurables de M Chappuis.

Cependant, il ne se rendait pas compte que le village l’observait.

Un volet s’ouvrit avec lenteur. Un regard filtra en biais derrière des persiennes. Un esprit inquiet l’observa à travers la gandaule d’un portail. Un rideau se gonfla derrière une fenêtre masquant un corps féminin aux aguets. Un vieux inspectait sa ruelle derrière une porte entrebâillée. D’invisibles surveillances se formèrent derrière les vitres.

Le village murmura doucement. Il y eut des rires étouffés, des exclamations distraites. On discutait le soir sur le pas des maisons. Des rumeurs se formèrent, insensiblement. On inventa. Et chacun pût commenter ces inventions qui devinrent romanesques. L’inconsistant M Chappuis devint le centre d’inventions chimériques. On idéalisa l’étranger, on admira sa régularité, on déplora qu’il abime ses chaussures de ville dans la poussière des ruelles. On en profita pour critiquer le maire sans ménagements.

— Pas un coup de balais dans nos rues, on ne sait pas recevoir les gens de qualité ! s’indigna la postière.

On évalua le prix de ses vêtements de ville. Le village ne s’occupait plus que de lui. Il devint le centre de toutes les discussions et plus les gens lui accordaient des qualités exceptionnelles, plus ils se cachaient à son approche.

Il n’en sut donc rien et poursuivit son parcours méthodique d’un village muet à son approche.

Ce nouvel arrivé avivait l’intérêt de chacun, et on commença à murmurer :

— Nous voila beaux maintenant qu’il y a deux retraités au village !

Car Célestin Beluga, le maire, était lui aussi retraité. Retraité avec une pension d’Etat. D’où son prestige jusqu’à l’arrivée de M Chappuis.

Il faut savoir que l’Etat jouissait à l’époque d’une notoriété comparable à celle de Saint-Pancrace, de Sainte-Rita et de Saint-Eloi réunis. Pour la population besogneuse du village, toujours en quête de protections efficaces, Saint-Pancrace présidait à la destinée des oliveraies, et Saint-Eloi veillait sur la santé du bétail et des mulets. Sainte-Rita intervenait sur tout le reste, de la grippe au concours pour devenir cantonnier. L’Etat prodiguait les secours, subventions, allocations, décorations, toutes choses excellentes et convoitées pour apporter une joie passagère dans l’existence monotone villageoise. Il prenait ainsi l’apparence d’un saint officiel consacré par les évangiles républicains, devant qui il faut porter l’encens des sollicitations agenouillées si l’on veut obtenir du gouvernement, divinité lointaine et mystérieuse, l’agrément des suppliques formulées par les citoyens électeurs au travers des assemblées communales.

De là le prestige de Beluga qui, de plus, avait séjourné et travaillé dans la lointaine Afrique du Nord  avant d’arriver au village, auréolé de sa gloire des colonies françaises. Il en ressortait une sorte de lustre et Célestin Beluga en avait profité pour s’introduire à la mairie. Il avait été immédiatement élu car « il n’était pas du pays ». Il occupait donc cette forte situation et il y tenait. Cette vanité qui anime les petits hommes rougeauds le bouffissait.

Rougeaud, il l’était de toute part. Tête ronde, mollets secs, son front petit et astucieux dénotait la ruse et la malveillance. Il se déplaçait avec lenteur, sans en avoir l’air, en vous examinant avec un air de bedeau. Il avait les oreilles à large pavillon et les dents jaunâtres. C’était un maire autoritaire qui gouvernait le village, aussi peu que possible, et surtout dans son intérêt, mais ce peu vaniteusement : il tenait au titre.

celestin-beluga
Dessin de Henri Capra

L’apparition de M Chappuis l’avait mis immédiatement sur ses gardes, mais en vieux roublard, il n’en avait parlé à personne, car il avait déjà deux ennemis déclarés : M Costa, l’aubergiste et Maître Camous, le notaire. Ils le méprisaient tous deux pour des raisons différentes. M Costa avait eu un grand-père maire et ne supportait pas qu’un étranger au village l’ait accueilli un jour avec la phrase assassine :

— Bienvenue dans mon petit village !

À lui dont l’épouse possédait depuis plusieurs générations au village !

Maître Camous, quand à lui, l’avait pris en faute de nombreuses fois sur des erreurs d’administration, toujours involontaires mais à son profit, et le savait incapable. Ce qui n’avait pas empêché les villageois de le réélire, fidèlement, car personne n’avait grand souci des honneurs municipaux.

Ainsi, Beluga régnait en paix et sans courage sur les hectares municipaux et les quelques centaines de femmes et d’hommes assoupis dans leur petit bien-être.


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