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retraite-m-chappuisChapitre 14

Affaires d'argent

Si vous avez raté le chapitre précédent...


Maître Camous possédait en matière d’argent un sens quasi divinatoire. Ses prophéties s’avéraient toujours vraies. Il avait prévu des ruines de paysans, donné des conseils pour des fortunes de commerçants, prévenu des spéculations. Grace à lui, les démarcheurs d’affaires extraordinaires, propres à vider les bas de laine ne s’approchaient pas du village. Ils savaient bien que chacun irait demander conseil au notaire. Les petits spéculateurs, spécialistes pour détruire les petites rentes des vieilles personnes le fuyaient comme la peste. Un mot de lui pouvait stopper un mauvais emprunt dans tout le canton. Maître Camous pourtant n’expliquait rien, il se contentait d’une remarque anodine : « Ca ne sent pas très bon! ». Le lendemain tout le canton remballait ses sous dans ses poches.

Aussi, tout le monde attendît sa sentence lorsqu’un certain Rayneri, de Bordighera, un vieil ami du lycée de Nice, vint le voir au village pour fonder une nouvelle banque après avoir créé une « Banque populaire » à Menton. Une banque Agricole, qui ne prêterait que sur le sentiment de probité que les gens des villages accordaient aux emprunteurs, sans vérifier leur solvabilité, mais uniquement  leur sérieux. Rayneri n’entreprenait rien d’important sans consulter au préalable Maître Camous. Lorsqu’on lui demandait le secret de son insolente réussite dans le Comté, il répondait :

— Facile, j’ai mon mage !

Il vint le voir avant de créer ce qui devait devenir la première banque régionale agricole, avec un ami marseillais et un varois. Mais personne n’en sut jamais rien. Vivre caché procurait à Maître Camous de suffisantes voluptés. Pour lui, les actes légaux n’étaient que de simples conventions passées par les hommes, et les hommes seuls comptaient. Aussi, le projet de Rayneri et de ses amis lui plût.

Faire confiance à ceux en qui l’on croit le remplissait d’aise, et il donna même des conseils pour assurer une pleine  réussite à la future banque.

M Chappuis en eu vent et vint le voir pour établir lui aussi son propre établissement.

Il faut dire que, lassé de parcourir un village qu’il croyait vide, il avait pris une grave décision. Il vida une des chambres du rez-de-chaussée pour installer un bureau. Il fit peindre la devanture en marron, en opposition aux portes gris bleue du village. Il fallait que cela paraisse sérieux. Cette décision fut difficile à prendre. Par tempérament bureaucratique, il savait ne pas porter de jugement précis, balancer le pour et le contre, soupeser le peut-être, et en fin de compte, contourner avec prudence les questions à résoudre. Il savait administrer des chiffres, mais pas des hommes.

— Et que met-on comme enseigne, vous avez un nom, une enseigne, demanda le peintre ?

M Chappuis réfléchit longuement et fit inscrire « Siège Social », en grosses lettres noires, sérieuses.

Il installa une table de travail au milieu, avec au centre un sous-main, à gauche un encrier, et à droite un tampon buvard. Une vraie table qui inspirait l’ordre.

La pièce sentait déjà cette bonne odeur d’encre violette et de colle blanche.

 

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Dessin de Henri Capra
M Chappuis était chez lui. Il s’assit et commença ses heures de bureau, sans travail précis à accomplir. Il ne vit même pas l’ombre qui passait régulièrement devant la fenêtre. Le seul fait de faire acte de présence lui permit rapidement de se sentir utile, et même indispensable. Il était devenu utile sans même savoir à quoi. Cette satisfaction s’épanouit lorsqu’il pensa : « il faut que je rédige un règlement ». Il prit une grande feuille de papier blanche et écrivit « Règlement ».

Il alla voir alors, plein de confiance, Maître Camous pour établir lui aussi son établissement financier. Mais sérieux, avec des papiers et des bilans. Le vieux notaire lui répondit en tournant le dos, un dos souriant !


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