00110En 1995, j’ai partagé avec Roger Rocca la conception et la rédaction d’un petit livre plein d’images qui s’appelle Histoire de l’identité niçoise, livre que les éditions SERRE ont porté sur les presses.

Aujourd’hui encore, régulièrement, on me parle de cet ouvrage et quelqu’un me disait, récemment, que c’était en somme « l’histoire de Nice pour les nuls », ce que je prends volontiers comme un compliment puisqu’en la matière, souvent, nous sommes peu ou mal informés et que par ailleurs, je trouve la collection à laquelle cette réflexion se réfère particulièrement bien conçue.

Nous avions alors choisi ce titre au terme d’une longue réflexion, et en regardant sous quel intitulé les ouvrages qui nous précédaient avaient été offerts au public : « Histoire de Nice », « Histoire de Nice et de son comté », « Histoire des Niçois », etc. Chacun de ces titres renvoie à une partie d’une réalité si complexe que nous avons alors choisi cette idée d’« identité » comme rendant le mieux compte, non d’un territoire qui a si souvent varié et qui ne se réduit pas à son chef-lieu, non d’une population dont les composantes sont si diverses, non d’une culture dont les sources sont multiples, mais d’un sentiment d’appartenance confus mais réel, que nous nous efforcions d’éclairer.

Inusité jusqu’alors, tout au moins à Nice, ce terme d’« identité niçoise » a depuis fait florès, et dans tous les champs lexicaux, comme disent les savants non sans jouir de la sonorité gravement scientifique qu’engendre le « x ». Il est entré dans le vocabulaire politique, à tous ses niveaux, depuis les formes institutionnelles jusqu’aux revendications et aux polémiques, et dans tous ses partis. Il est entré dans le vocabulaire journalistique, pour couvrir tous les domaines de la « nissartitude » (autre mot vagabondant entre folklore, mépris et militantisme). Il est souvent, et partout.

Il me paraît utile de rappeler ce qu’il signifie donc pour moi : le sentiment d’une culture et d’une histoire partagée, ignorée, égale en dignité à toutes les autres, enracinée dans une réalité géographique et humaine et ouvert sur les cultures autres, au premier chef celles de la Méditerranée.

Un autre mot suit son bonhomme de chemin depuis qu’en 1995, nous l’avons exhumé et placé en tête d’un chapitre de notre ouvrage : celui d’« annexion ». Après un siècle d’un usage tranquille et ininterrompu, ce mot-là avait été gommé des histoires locales et ripoliné aux couleurs du mot « rattachement » en 1960. Gérard Colletta le rappelait dans une rubrique de ce site, tout récemment : André Compan lui-même refusait absolument son emploi. La vitalité de ce mot est aujourd’hui exemplaire, puisqu’on le lit à nouveau, en concurrence avec d’autres (et c’est l’expression d’une liberté heureuse), un peu partout et dans toutes les sphères du discours et du débat. Il en est même de vigilants gardiens puisque j’eus un jour la surprise de lire, sous le clic d’un internaute, une inquiétude quant au propos de la pièce que j’écrivais sur 1860 parce que le résumé de son contenu publié en ligne pouvait laisser penser que j’y réfutai ce vocable.

Les mots sont libres comme l’air. On les lance, chacun s’en saisit, en joue, en use. Chacun met dans leurs innocentes lettres ses réflexions, ses inquiétudes, ses ambitions, ses turpitudes. On les veut sages et vrais, ils deviennent insatiables et sauvages. Parfois asservis par d’obscurs tacticiens, surveillés par de méticuleux geôliers, ils ne sont jamais aussi beaux, pourtant, que quand ils disent simplement l’amour et le bonheur de vivre sur ce rivage.

 

Histoire de l’identité niçoise, Hervé Barelli et Roger Rocca, SERRE éditeur, Nice, 1995
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