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Architectes : peut-être J.-André Guibert


HISTORIQUE
Il y eut deux églises successives sur ce site, toutes deux construites par les Jésuites. La première, modeste, dite «La Chiesetta», fut commencée en 1612 et dédiée au Saint-Nom-de-Jésus et à Saint Just et située au nord de l'actuelle, commencée en 1642. Elle fut achevée entre 1650 et 1696. Embellie au XVIIIe siècle, elle ne reçut sa façade qu'en 1825. En 1802, l'église devint paroisse sous le vocable de Saint-Jacques.

EXTERIEUR ET FACADE
La façade s'ouvre sur l'ancienne place Neuve, déja ainsi dénommée en 1610 sur le plan de Pastorelli, peut-être par antinomie avec la place Vieille voisine. A noter au passage l'orthographe aberrante de la rue homonyme (rue du Jeuse). Ce mot de Jeuse est totalement inconnu dans la langue niçoise. Le nom du Christ s'écrit Jesù. Aux alentours du Jésus se trouvaient les «grands ateliers» de menuiserie au XIXe siècle. La façade, édifiée en 1825 dans le goût baroque, porte nettement des traits néo-classiques, singulièrement dans l'encadrement des fenêtres. Dans les niches qui la décorent se trouvent deux figures allégoriques, portant, à gauche une ancre et à droite une croix, les deux symbolisant, outre l'espérance et la foi, l'attachement au Christ. Le clocher n'est visible que dans l'axe de la rue de la Croix (prendre à gauche la rue Droite, puis à droite la rue Rossetti jusqu'à son intersection avec la rue de la Croix). Il présente deux caractéristiques décoratives : il est en briques apparentes, technique rarissime à Nice, directement importée du Piémont, et il est couvert d'un toit en «chapeau de gendarme» en tuiles colorées et vernissées à la mode génoise. L'accès à l'église se fait par un perron de quelques marches, unique pour les églises du Vieux-Nice.

INTERIEUR
On a beaucoup dit que le plan de l'édifice était directement inspiré du Jésus de Rome. C'est exagéré. Sans doute l'architecte a-t-il simplement voulu respecter les directives esthétiques de la Réforme catholique, qui voulaient des églises claires, dégagées, permettant de suivre de partout le prêche et les cérémonies. De ce point de vue, l'aménagement est conforme à cet esprit. Si la clarté fait défaut, du fait de l'habitude française, impropre aux églises niçoises, de substituer des vitraux aux verres blancs des fenêtres, le sentiment d'ampleur est perceptible. A la recherche d'un effet propre au baroque, on a même conservé au sol une légère pente, grâce à laquelle, profitant de la déclivité naturelle, l'expression «monter à l'autel» prend tout son sens. Le plan est très simple, puisque l'édifice est rectangulaire, six chapelles latérales en rythmant les côtés (la chapelle centrale, plus petite, à l'inverse de Saint-Martin-Saint Augustin, rompant l'uniformité, selon le rythme B-A-B). Le choeur est lui aussi rectangulaire. De fait, par rapport à d'autres églises baroques niçoises, Saint-Jacques/le Jésus est probablement celle où les formes à angles droits, et les lignes droites, sont les plus présentes, sans cette recherche de courbes propre au baroque. C'est le foisonnement décoratif qui brise le risque de la raideur, et non, comme ailleurs, la forme même. Le choeur est relié à la nef par un arc triomphal portant le Christ en gloire et cette invocation latine : «In nomine Jesu omne geniflectatur coelestium terrestrium et infernorum» (Devant le nom du Christ, tout s'agenouille dans les cieux, sur la terre et dans les enfers). A gauche et à droite, au bout de l'arc, deux allégories figurent la Foi (avec le calice) et la Charité (avec l'enfant). De même, ces directives marquent l'abondance de la décoration. On a dénombré plus de 160 anges et angelots peints ou sculptés au niveau de la frise. A dominante rouge, la décoration peinte et sculptée suit, en s'élevant, la symbolique traditionnelle : dépouillée au raz du sol, qui est le niveau des hommes, elle s'enrichit en montant vers la voûte, qui est le niveau divin, et les anges, disposés autour de la frise comme s'ils avaient été surpris en plein vol par le fidèle entrant, figurent le niveau intermédiaire du ciel et des nuages. Notons aussi que l'iconographie «jésuite» est très discrète. Seuls quelques saints de l'ordre sont représentés, et encore très modestement. Il faut dire qu'expulsés en 1773, les Jésuites ne réintégrèrent jamais «leur» église, et que de nombreuses autres strates décoratives sont donc venues s'ajouter à celles existantes initialement, voire s'y substituèrent.

Voute de la nef
Elle fut décorée au début du XIXe siècle, semble-t-il, sur des dessins du peintre niçois Trachel. Plusieurs motifs, classiques, y sont figurés. Ils illustrent divers épisodes de la vie de Jacques le Majeur aux côtés du Christ. Au-dessus de l'entrée, un médaillon central porte L'arrestation de Jésus encadré de quatre médaillons latéraux dans lesquels on reconnaît quatre docteurs de l'Eglise : saint Jérôme (au nord-ouest, en vieillard en hâillons), saint Grégoire (au nord-est, en pape, tiare en tête), saint Augustin (au sud-est, en évêque, mitre en tête) et saint Thomas d'Aquin (au sud-ouest, en dominicain, manteau noir et aube blanche). Au milieu, un médaillon plus petit représente le Triomphe de saint Michel sur le démon. Du côté de l'arc triomphal, le médaillon central porte l'épisode des fils de Zébédée (Jacques le Majeur et son frère Jean l'Evangéliste voient leur mère demander à Jesus qu'ils siègent à ses côtés en Paradis) encadré des médaillons figurant les quatre évangélistes. En entrant à droite, les fonts baptismaux (XIXe), placés ici dès lors que l'église avait reçu le siège de la paroisse Saint-Jacques, en 1802. Puis on voit un bénitier. Daté de 1526, orné des armes des Barral (au centre), il semble provenir de l'église des Carmes, qui précéda le Jésus sous le vocable de Saint-Jacques. Il a été sculpté, comme en témoigne l'inscription sur son pourtour, sur ordre d'un frère carme, Pierre Barral.

1 Chapelle du Sacré-Cœur de Jésus et du Cœur-Immaculé de Marie
L'intérêt principal de cette chapelle réside dans le tableau central. Il représente L'adoration du Sacré-Coeur de Jésus et du Coeur-Immaculé de Marie. Ce tableau est posé dans un retable dont les chapiteaux des colonnes portent deux anges. Chacun des anges tient une allégorie, à gauche la Foi (le calice et l'hostie), à droite l'Espérance (la croix). A droite, le tableau qui figure Sainte Marguerite-Marie Alacoque priant le Sacré-Coeur fut peint par Emmanuel Costa. C'est Marguerite-Marie Alacoque (fête le 16 octobre) qui, au XVIIe siècle, élabora, à la suite d'une révélation, la dévotion publique et liturgique du Sacré-Coeur, et s'attacha à la répandre. A gauche, le tableau représente une Sainte Famille. Remarquer, à la voûte de l'arc, quatre figures allégoriques des vertus théologales : de gauche à droite la Justice (avec balance et glaive), la Force (avec une colonne), la Prudence (avec un miroir et un serpent) et la Tempérance (avec deux vases). On les retrouvera par ailleurs, à la voûte de l'autel du Rosaire et à la chapelle de la Miséricorde.

2 Chapelle de la Madone des Sept Douleurs
Initialement dévouée à un thème fréquent dans les églises niçoises, la Madone des Sept-Douleurs, cette chapelle porte aujourd'hui une statue de saint Joseph et une reproduction du visage imprimé sur le Saint-Suaire, qui serait celui du Christ. Mais la décoration de la voûte, les objets portés par les anges, et surtout le gisant (sous l'autel) où l'on voit la Vierge au coeur percé d'un poignard (figure visible aussi à l'Annonciation/Sainte-Rita, qui renvoie à la prophétie de Siméon, le jour de la Présentation de Jésus au Temple : «Et toi-même une épée te transpercera l'âme afin que se révèlent les pensées intimes de bien des coeurs»  (Luc, II, 35), tout ceci est une iconographie typique du thème de la «Mater dolorosissima». 

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3 Chapelle des SS Louis-de-Gonzague et Honoré Évêque
chapelle corporative des boulangers
C'est en 1696 que cette chapelle, auparavant dédiée à saint François-Xavier, reçut le patronage conjoint de saint Honoré, évèque d'Amiens (vécut vers 600, fête le 16 mai, à ne pas confondre avec saint Honorat, fondateur du monastère de Lerins et évèque d'Arles) et de saint Louis-de-Gonzague (1568-1591, canonisé en 1726, fête le 21 juin). Mais on peut constater que toute la thématique décorative est concentrée autour du premier, ce qui laisse penser que la vocation corporative de la chapelle primait sur la protection du saint jésuite. Le tableau central figure La communion de saint Honoré, épisode miraculeux de l'histoire du saint : au moment de communier, Honoré vit le Christ en personne lui donner l'hostie, le Pain de l'Eucharistie, ce qui expliquerait pourquoi il est devenu le patron des boulangers. A la voûte sont représentés d'autres épisodes de la vie du saint. Au sommet du rétable, noter les deux angelots soutenus par des corbeilles d'où dépassent des gerbes de blé. On peut voir, disposés autour du retable central, des cadres contenant des ex-votos d'argent figurant un coeur, parfois un membre (en remerciement d'une intercession ayant permis de le sauver) ou parfois un poisson (en grâce d'une pêche particulièrement abondante). Les plus précieux d'entre eux sont conservés dans le trésor de l'église, visible dans la sacristie.

La chaire
Au pilier latéral de la chapelle est appuyée la chaire. L'élément décoratif le plus frappant et conçu comme tel, dans l'esthétique baroque de l'effet, est ce bras vêtu et proportionné qui en jaillit, tenant fermement une croix par ailleurs amovible. Il permettait au prêcheur de galvaniser son auditoire par la parole ou le geste, et de brandir la croix. Le vêtement du bras est bien sur la soutane noire des Jésuites. A Nice, on retrouve cette spectaculaire mise en scène sur la chaire de la chapelle des Pénitents rouges du Saint-Suaire et de la Sainte-Trinité.

4 Le chœur
Délimité par une balustrade polygonale, il est orné d'un autel de marbre surmonté d'un remarquable crucifix. Le tabernacle est orné, sur sa porte, du pélican. Le grand tableau central qui le surmonte représente Jésus guérissant le paralytique. A droite de l'autel, un autre tableau figure Sainte Elisabeth de Hongrie entourée de deux Pénitentes grises : la sainte y est représentée faisant l'aumône. La confrérie des Pénitentes grises avait une chapelle dans l'église, puis dans le voisinage. A gauche, on reconnaît Les ames du Purgatoire, avec l'intercession d'un saint jésuite. Derrière l'autel sont disposées les stalles des Jésuites, à l'époque où l'église était desservie par eux. A noter, dans l'axe de l'allée centrale, la trappe de marbre qui donnait accès aux tombes disposées dans le sous-sol de l'église.

5 La sacristie
Dans son vestibule, aux voûtes d'arête intéressantes, se trouve une Mort du saint Joseph (XVIIe siècle). A droite s'ouvre la porte qui conduit à l'ancien cloître et, par des escaliers intérieurs, rejoint le couvent. La sacristie est remarquable par son plafond, typique de la décoration baroque par l'agencement des voûtes et des médaillons décoratifs, ainsi que par l'usage des couleurs. Elle est meublée de stalles provenant de la première église Saint-Jacques (aujourd'hui Annonciation / Sainte-Rita) transférées ici en 1806 et portant donc le «chiffre» des Carmes, qui desservaient cette église («CART»). D'autres portes sont sculptées de différents motifs : armes de Savoie, navire, fleur de lys, etc.... Les armoires de droite conservent le trésor de l'église, pièces d'argenterie des XVIIIe et XIXe siècles, habits sacerdotaux. On note aussi le lavabo en marbre. Aux murs figurent divers portraits de saints de l'ordre des Jésuites, ainsi qu'un tableau représentant une messe dans l'église, sans doute au siècle dernier.

6 Chapelle de la Madone du Rosaire
Cette chapelle est ornée d'attributs mariaux ayant pour thème la Madone du Rosaire. Elle était le siège de la confrérie homonyme. La statue centrale représente la patronne de la chapelle. Le tableau de droite figure La Madone donnant le Rosaire à saint Dominique et à sainte Catherine de Sienne. Ce tableau a inspiré le groupe processionnel que nous verrons plus loin, face à l'entrée. Le tableau de gauche est l'un des rares, avec les Ames du Purgatoire du choeur, à rappeler la présence des Jésuites dans l'église. Il a en effet pour thème L'adoration de l'Enfant-Jésus par deux saints jésuites : à gauche, sans doute, saint Ignace et à droite, saint François-Xavier. A la voûte de l'arc, noter les deux anges portant les attributs de la Prudence (à gauche, miroir et serpent) et de la Force (à droite, colonne).

7 Chapelle de saint Michel
Plus petite, et donc moins décorée, cette chapelle est dédiée à saint Michel-Archange, représenté sur le tableau central en train d'écraser le démon. A noter que l'on retrouve, à la voûte de la chapelle et sur le devant d'autel le thème de l'ancre, «crux dissimulata», une des transpositions de l'image de la croix, ainsi que nous l'avons évoqué à propos d'une des allégories de la façade et dans d'autres églises.

8 Chapelle des SS Crépin et Crépinien
(ou Crispin et Crispinien)
chapelle corporative des cordonniers,
chapelle particulière des Barli-Fabri (1710)

Crépin et Crépinien, deux frères qui vécurent censément à Soissons, sont les saints patrons des métiers du cuir (martyrisés vers 285, fête le 25 octobre). Le tableau central vaut donc surtout pour le témoignage qu'il porte sur l'activité des cordonniers au XVIIe siècle, comme tous les tableaux corporatifs. Les deux saints y sont en effet représentés en plein travail, avec leurs outils (tranchoir, alène, formes, etc...) et dans leur atelier tout parsemé de pièces de cuir. Noter que l'angelot du premier plan brandit un ruban sur lequel on peut lire les mots «hauteur» et «largeur» en français, et non en italien comme on aurait pu s'y attendre. Les tableaux de droite et de gauche figurent différentes étapes de leur martyre : à gauche, bouillis dans un chaudron, à droite, transpercés par un fer rougi au feu. La décoration de la chapelle fut refaite en 1710 par Jean-François Barli-Fabri, peut-être pour y abriter la sépulture de sa famille. Une inscription en témoigne, dans le soubassement latéral des colonnes. Le bénitier, plus modeste que son vis-à-vis, a son pourtour usé au centre par le frottement des mains qui l'utilisèrent. Il porte des armes composées de celles des Grimaldi (les losanges, à gauche), et d'une autre famille inconnue.
Le groupe processionnel (XIXe) reprend en fait le tableau disposé à droite de l'autel de la Madone du Rosaire, avec la Vierge, saint Dominique et sainte Catherine de Sienne. A noter, à l'arrière-plan à gauche, le chien portant la torche dans sa gueule, attribut de saint Dominique.