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Date : 1784. Architecte : Antoine Spinelli
7 place Garibaldi, 1er étage

La confrérie du Saint-Sépulcre aurait été fondée en 1431 dans le couvent Sainte-Croix de l'Observance aujourd'hui détruit, mais cette date est fausse car le couvent ne fut élevé qu'en 1461. La confrérie lui est donc forcément postérieure. Le couvent fut détruit par les Turcs lors du siège de 1543. Mais les Pénitents bleus recherchaient déjà un autre site, plutôt à l'intérieur des murs : en 1504, ils avaient acheté un terrain et trois maisons rue Celleya, face au flanc nord de l'église des Dominicains, et y demeurèrent jusqu'en 1782. Ils y aménagèrent leur chapelle, puis l'orphelinat de filles qu'ils géraient depuis 1584. En 1775, ils s'accordent avec le comte Cays de Gilette dont le palais jouxte leurs locaux pour les lui vendre s'ils trouvent un autre site. Contactés en 1782 par la Ville, les Pénitents entrent dans une négociation quadripartite qui les met aux prises avec le comte Cays de Gilette, acheteur des anciens locaux, la Ville, aménageur de la place Victor où elle se propose d'établir la confrérie et les Augustins, propriétaires des terrains de la future chapelle, place Victor. Cette négociation s'achève par l'accord des Pénitents. Confisquée à la Révolution, la chapelle fut rendue aux Pénitents bleus à la Restauration. Depuis 1966, les Pénitents bleus accueillent dans leurs murs la Mission catholique italienne.

Façade extérieure
La façade, d'ordre monumental, est faite pour clore la perspective de la rue Victor (avenue de la République). Elle supporte un fronton triangulaire dont la corniche inférieure est ornée de l'inscription «Societas Sanctissimi Sepulcri», ou Société du Très-Saint-Sépulcre, le nom officiel des Pénitents bleus. Le balcon fut ajouté en 1850. Sous le balcon, au sommet de chaque voûte du portique, trois boulets de canon sont enchassés, attribués au siège de 1543. Il est vrai que, dans la chapelle et sa décoration, ce thème du siège est omniprésent. Déja, sur la façade, en plus des trois boulets, on peut le retrouver dans le cartouche du fronton triangulaire : il rappelle en effet la dévotion à l'Assomption de la Vierge. Or, cette dévotion est à la fois le titre initial de la confrérie et celui de la chapelle de la Madone du Secours. Celle-ci fut détruite lors de la construction de la place : sa titulaire est ainsi vénérée encore, transposée au fronton des Pénitents bleus. Les boulets en viennent probablement aussi. En passant sous les portiques de la place, on arrive devant la porte de la chapelle. Avant d'y pénétrer, on peut noter, à gauche de l'entrée, l'aumonière Renaissance (le bac sous le Christ en «Ecce homo» servait à recueillir les aumônes) qui provient peut-être de l'ancien hospice des orphelines et à droite, la pierre de dédicace de l'ancienne chapelle de la Madone du Secours. Au fronton de la porte, on relèvera aussi la présence des armes de Nice. Cette présence sur un édifice religieux n'est pas unique, puisque l'église Saint-Jean-Baptiste/Le Voeu en est aussi décorée. Mais elle est incongrue. En fait, elle ne s'explique que par deux raisons. D'une part, l'aménagement de la place Victor s'est fait sous l'impulsion de la Ville, au XVIIIe siècle. D'autre part, la chapelle du Saint-Sépulcre «héritait» de la chapelle de la Madone du Secours, elle-même érigée sur un vœu municipal. En entrant, on est surpris de constater que la chapelle n'est pas de plain-pied. Un escalier à double volée, dont une seule (à droite), est aujourd'hui utilisée, y conduit. La cage d'escalier est ornée d'une fresque récente (XXe). A l'étage, on entre dans la chapelle par son bas-côté droit.

Intérieur
Le plan intérieur du bâtiment devait tenir compte de trois impératifs : affirmer sa vocation religieuse, en rupture apparente avec un aspect extérieur plus civil dû à l'intégration dans le décor de la place; ensuite jouer avec un espace étroit (derrière le chevet de la chapelle tombent les derniers contreforts rocheux de la colline du Château); enfin, loger dans ce petit édifice les dimensions nécessaires au culte et à la vie d'une confrérie de Pénitents. Spinelli résolut ces trois problèmes fort habilement. En multipliant les volumes horizontaux et verticaux dans un même espace, il réussit à le dilater; en juxtaposant deux travées et un choeur, tous trois rectangulaires mais de taille décroissante, il donne le sentiment, affirmé par la profondeur, d'une séparation grandissante avec la place profane et les vastes baies qui ouvrent sur elle. En s'avançant vers le choeur, on quitte donc progressivement le monde civil, sensible à travers les fenêtres, pour aller vers le sacré, représenté par l'autel. Les colonnes détachées qui séparent la première de la seconde travée jouent un rôle notable : elles créent cette dernière, mais sans l'isoler totalement de la première et donc sans diminuer l'espace comme l'aurait fait un mur plein. Elles donnent aussi l'illusion de l'existence de chapelles latérales qui ne sont pourtant que de simples autels, mais, remarquable habileté, qu'elles laissent aussi voir. L'espace est encore agrandi par le traitement des plafonds : hautes voûtes en plein cintre pour les bras des deux travées, et, à l'intersection de celles-ci avec l'axe du choeur, deux profondes calottes. En somme un ensemble rebondi, mouvant, qui rompt avec les rectangles du plan des travées. Nous sommes là devant un édifice relevant du dernier état du baroque, un baroque qui tend à nouveau vers le classicisme, si l'on veut remonter aux sources, ou qui au contraire annonce le néo-classique qui le suit, le style de l'église du Voeu. La tonalité des couleurs de la décoration est bleue, comme celle de la confrérie. Divers thèmes s'y entrecroisent : la dévotion à la Croix, qui tire ses sources du couvent Sainte-Croix où fut fondée la confrérie; la dévotion au sépulcre du Christ; les rappels du vœu de 1552 et d'héritages antérieurs, les liens que ces voeux produisent avec l'autorité municipale et la dévotion à la Vierge et à son Assomption, autre patronne de la confrérie.

Agencement et décoration

La chapelle du Saint-Sépulcre possède une décoration intérieure d'origines diverses : les principaux tableaux qui ornent ses murs peuvent être datés des XVIIIe et XIXe siècles, tandis que la décoration des plafonds est uniquement du XIXe siècle. Divers objets méritent aussi notre attention.
Première travée
La thématique picturale qui décore cette travée tourne autour du sépulcre du Christ, conformément à la dévotion de l'archiconfrérie. Le premier tableau en entrant à gauche est L'incrédulité de saint Thomas, daté de 1718 et signé F. Cavassa. Il provient sans doute de la chapelle de la rue Celleya. Puis, une Ascension sur laquelle manquent les renseignements. Le troisième tableau (Pierre Grand, 1713) qui orne cette travée juxtapose deux scènes. Au premier plan, on reconnaît le Christ parlant aux saintes femmes, Marie-Madeleine, Marie-Jacobée et Marie-Salomé. Au second plan, scène chronologiquement antérieure, la découverte du tombeau ouvert et vide, et le dialogue avec les anges. D'autres tableaux figurent ensuite une Résurrection, puis une Pêche miraculeuse. Enfin, une autre représentation plus simple de l'Apparition du Christ à Marie-Madeleine. Le Christ est appuyé sur le tombeau ouvert et vide et, à ses pieds, la sainte, portant un flacon de parfum. Entre ces deux dernières œuvres, anonymes et datées probablement de la fin du XVIIIe-début du XIXe siècle, une console porte un saint Sébastien de facture naïve (ainsi dans la disproportion des flèches). En bois polychrome, peut-être du XVIe siècle, elle provient de la chapelle Saint-Sébastien voisine, qui fut détruite en 1706, mais dont le nom subsiste à travers la dénomination du boulevard Saint-Sébastien, le long du Théâtre de Nice. Dans la calotte de la voûte, on peut noter une Exaltation de la Sainte-Croix, datée du XIXe siècle, oeuvre du peintre niçois Emmanuel Costa. Au centre de la travée, devant la baie et face à l'autel se place le banc des officiers de l'archiconfrérie, le Prieur, le Sous-Prieur, le Trésorier, etc... On notera que ce banc porte le monogramme SSS (Societas Sanctissimi Sepulcri, Société du Très-Saint-Sépulcre) et que, dans les grandes occasions, il est sommé des armes de Nice.

Deuxième travée
La thématique décorative qui la domine est celle de la Vierge. Sur l'autel latéral de gauche, diverses statues sulpiciennes défigurent l'agencement initial. Dans la chaire (à droite, en haut), on a déposé la statue de la Madone du Secours. Naïve sculpture de bois représentant la Vierge qui protégea les Niçois des assauts franco-turcs de 1543, cette statue est habillée et parée selon la coutume latine. Elle demeura longtemps dans l'église Saint-Martin-Saint-Augustin, avant d'être confiée aux Pénitents bleus. Sur l'autel latéral de droite figure un groupe processionnel de la Madone de l'Assomption, daté du XVIIIe siècle. Son mouvement complexe, tournoyant et éthéré, aux vêtements portés par un souffle, révèle l'habileté du sculpteur. Derrière la statue, un tableau, daté de la même époque, figure l'Adoration de la Croix. Quoiqu'anonyme, ce tableau rappele la manière de la fresque qui orne le premier palier de l'escalier d'entrée. Cette statue était portée en procession par les Pénitents bleus à l'occasion de la fête de l'Assomption, chaque 15 août, jusqu'à l'église voisine de Saint-Martin-Saint-Augustin. Ceci explique les anneaux visibles sur son socle, où étaient enfilés les pièces de bois servant au transport de la statue à dos d'homme. A la voûte de la calotte, une autre Assomption, attribuée à Emmanuel Costa. Il est vrai qu'elle reproduit exactement la même oeuvre, authentifiée, du même peintre, mais décorant la coupole de l'église de Saint-Etienne-de-Tinée. Curieuse coïncidence que celle-ci : l'église de Saint-Etienne-de-Tinée et le Saint-Sépulcre de Nice partagent, à soixante ans et à cent kilomètres de distance, le même architecte (Antoine Spinelli) et le même décorateur (Emmanuel Costa).

Chœur
Il comporte plusieurs pièces intéressantes. Sous l'autel se trouve ce remarquable Christ gisant au sépulcre, daté du XVIIIe siècle. Cet ensemble, avec les angelots qui encadrent ses angles, était destiné à être porté en procession par les confrères, sans doute à l'occasion de la Semaine sainte.
Le tableau du maître-autel est une oeuvre majeure d'Abraham-Louis Van Loo (1656-1712). peintre hollandais installé à Nice à la fin du XVIIe siècle. Elle représente l'Assomption de la Vierge Marie. Elle est datée des années 1700 (le dernier chiffre de la date manque). Mettant en scène, aux pieds de la Vierge, saint Pierre et sainte Marie-Madeleine, elle est révélatrice du style baroque de Van Loo, tout de mouvement, d'expression et de couleur. On peut considérer ce tableau comme le chef d'oeuvre de la chapelle. Enfin, à gauche de l'autel, une magnifique croix de procession en noyer, aux embouts d'argent, est apposée contre le mur. Les pièces d'argenterie reproduisent le monogramme SSS et les armes de Nice. La croix est surmontée d'un médaillon représentant une Vierge à l'Enfant, qui fait face, sur la paroi opposée à un saint Sébastien, tous deux datés de 1828.

LES CONFRERIES DE PENITENTS
Ces associations de laïcs apparaissent à Nice au XIVe siècle, selon une forme née en Italie au XIIIe. Les quatre confréries toujours vivantes à Nice furent fondées en 1306 (Pénitents blancs de la Sainte-Croix), 1329 (Pénitents noirs de la Miséricorde, 1431 (Pénitents bleus du Saint-Sépulcre) et entre 1576 et 1620 (Pénitents rouges de la Sainte-Trinité et du Saint-Suaire). Chaque confrérie a une mission sociale (aide aux malades pour les blancs, aux mourants et mont-de-piété pour les noirs, aux orphelines pour les bleus, aux orphelins pour les rouges) qu'elle a parfois conservé, au moins pour les deux premières. Elles ont leur chapelle, souvent des chefs d'oeuvre artistiques, et leur tenue de couleur différente qui permet de les identifier. Aujourd'hui, outre leur mission, elles participent aux grandes fêtes religieuses de la ville de Nice.

pietonQuitter la chapelle. En sortant, prendre à gauche sous les portiques.