NICE Liberté de la Presse L'affaire DasquiéLIBERTÉ PRESSE DASQUIÉ - L’affaire Dasquié, journaliste menacé de prison pour qu’il révèle ses sources. « L’affaire Guillaume Dasquié » journaliste menacé d’être placé en détention afin qu’il révèle ses sources est quasi sans précédent en France. Elle repose le problème de la protection des sources, principe lié à la liberté de la presse. Ce journaliste réputé, spécialisé dans les questions de renseignement, animateur du site geopolitique.com a été mis en examen, le 6 décembre, pour compromission de divulgation du secret de la défense. Une infraction passible de cinq ans de prison et de 75 000 euros d’amende. Il est reproché à Guillaume Dasquié d'avoir divulgué, dans Le Monde du 17 avril, des documents, non déclassifiés, provenant de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), sur les informations dont disposaient les services secrets français sur Al-Qaida avant les attentats du 11 septembre 2001. Les documents en question décrivaient en détail le contenu des enquêtes de la DGSE sur Al-Qaeda avant le 11 septembre, notamment le projet de détournement d’un avion à partir de l’Europe. Toutes ces notes avaient été transmises à la CIA et certains contenaient des informations sur la coopération avec des services étrangers.La divulgation de ces documents confidentiels a provoqué des remous au siège de la DGSE boulevard Mortier à Paris. À la DGSE, on juge, selon Libération, «très rare un tel cas de fuite». «Nos documents circulent et il arrive que des journalistes puissent les lire et s’en servir pour leurs articles, poursuit-on au siège des services secrets. Mais là, c’est différent. Ce qui lui est reproché, c’est d’avoir détenu et rendu public des documents secrets». «Cette affaire est très pénalisante pour nous», ajoute la DGSE. Au point qu’après avoir été interpellé par 6 agents de la Direction de la surveillance du territoire DST (contre-espionnage), Guillaume Dasquié a subi 38 heures de garde-à-vue. La gravité de cette affaire, outre qu’elle débouche sur une mise en examen, réside dans les menaces de placement en détention provisoire qu’il affirme avoir subies. « C’est à cause de ces pressions répétées que j’ai fini par lâcher le nom d’une de mes sources indirectes », a-t-il déclaré dans le JDD : « Je suis parvenu à protéger ma source principale, celle qui m’a remis le fameux document confidentiel ». Le journaliste a expliqué qu’il s’était vu confirmer le marché suivant, lors de sa garde à vue, par le sous directeur de la DST et le substitut du procureur, soit il donnait des noms, soit il était placé en détention provisoire : « alors bien sûr j’ai balancé un nom », a-t-il dit, sur France 5. Le procureur de la république de Paris, Jean-Claude Marin a démenti qu’il y ait eu des menaces de détention. Cette affaire soulève le problème de la protection des sources. Après des perquisitions dans les locaux de l’Équipe et du Point en janvier 2005 ou de Midi Libre et de Nice Matin en juillet 2006, c’est au tour de Guillaume Dasquié de subir les foudres de la justice. Or, l’article 109 du code de procédure pénale prévoit que « tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine ». La cour européenne a condamné plusieurs fois la France pour non-respect du secret des sources. Ainsi la loi protège-t-elle, sur le papier, le journaliste (et donc ses sources) seulement, dès lors qu’il est amené à publier des informations confidentielles émanant des services secrets, il s’expose à de réelles pressions. Personnellement, pour avoir posé une question sur une affaire « sensible » en 1984 à Charles Hernu, le ministre de la Défense de l’époque, une enquête me concernant avait été diligentée par les services de renseignement. Il s’agissait là encore d’identifier des sources. Les exemples ne manquent pas. En menaçant Guillaume Dasquié de détention, le pouvoir judiciaire a franchi une étape inquiétante vers une certaine forme de censure. Un journaliste a été placé dans des conditions d’interrogatoire appliquées d’habitude aux délinquants. Cet état de fait suscite de vives inquiétudes dans le monde de la presse. Le SNJ (syndicat national des journalistes) a déploré « une censure moderne qui se caractérise par la criminalisation de l’enquête journalistique ». Certes, le journaliste n’est pas au-dessus des lois, encore faut-il que les personnes chargées de les faire appliquer ne les transgressent pas. Paul BarelliLe Petit Niçois