Nice Les médias audiovisuels peuvent-ils contribuer à l’embrasement des banlieues ?MEDIA BANLIEUE QUARTIER - La question de la responsabilité des médias audiovisuels dans le traitement de l’actualité des banlieues se repose avec acuité. Le 27 octobre, un an après le début des émeutes, les journalistes sont dans leur rôle lorsqu’ils s’intéressent de nouveau aux quartiers sensibles. Mais il ne faudrait pas que les médias audiovisuels se livrent à une surenchère d’images de violences qui avait contribué, en partie, à attiser les émeutes. Michel Gaudin, le directeur général de la police nationale s’est inquiété, récemment, d’un « phénomène d’amplification médiatique autour des agressions de policiers ».

Les violences contre les forces de l’ordre et les représentants des services publics ont augmenté de 30 % en septembre par rapport à août. Dans ce contexte tendu, certains médias audiovisuels ont déjà couvert, avec une certaine complaisance, les agressions de policiers, anticipant ainsi le redouté « anniversaire » des émeutes. « C’est une honte », estime, Christian Estrosi, ministre délégué à l’Aménagement du territoire et proche de Nicolas Sarkozy. Il dénonce « l’attitude de certains médias qui parlent d’anniversaire pour dire que les émeutes des banlieues se sont produites il y a un an ».Sans prétendre que les médias audiovisuels sont responsables des troubles, il convient de s’interroger sur « les effets de mimétisme » des images de violence, déjà apparus l‘an dernier. « Des effets, selon les R. G, Renseignements généraux, que pourrait susciter la multiplication des reportages sur l’anniversaire des violences urbaines ».

Dans un rapport confidentiel publié par Le Figaro, les RG affirment que les conditions d'une explosion sont réunies dans les banlieues. « Les incidents se multiplient avec les mineurs. Les événements de ces derniers jours mettent en scène des délinquants de plus en plus jeunes. Ils cherchent désormais la confrontation directe avec les représentants de l'autorité.

Les Renseignements généraux pointent la responsabilité des médias : « Un an après les émeutes, une rumeur persistante semble indiquer que les journalistes arpentent les banlieues aux fins de collecter des informations sur l'état des quartiers aujourd'hui, contribuant par là même d'attiser les tensions », notent les RG dans leur rapport.

Le constat est sévère. Quand des troubles surviennent, ne pas en faire état serait faire preuve de partialité. Que dirait-on si le mutisme médiatique se substituait à ce qui prend, parfois, la forme d’une diffusion hystérique des images de violence ? Est-il possible d’édicter une règle commune visant à traiter ces événements avec sobriété ?

Dans une démocratie, les médias fonctionnent librement. Dès lors, il faut, s’en remettre à une déontologie propre à chaque journaliste. Certes, il est possible, comme cela fut le cas l’an dernier, que les responsables des chaînes de télévision se réunissent afin de limiter les « effets de mimétisme ». Mais c’est au sein de chaque rédaction qu’il est impératif de se fixer une règle de conduite pour la couverture de l’actualité des banlieues.

Et d’abord en traitant, également des initiatives positives prises dans ces quartiers. Depuis un an, davantage de reportages leur sont consacrés. Mais manquent encore, souligne au Monde, le sociologue Jean-Marie Charon : « une réflexion et un engagement suffisamment avancés quant à la prise en compte, au long cours des questions que posent les banlieues difficiles ».

On mesure désormais la complexité du problème d’autant que dans un livre sur les violences urbaines de 2005 (Le frisson de l’émeute. Seuil), le sociologue Sébastian Roché estime que la chronologie invalide la thèse de la responsabilité des médias. Selon lui, l’an dernier, les émeutes sont restées confinées plusieurs jours et se sont propagées au moment où une grenade explosait dans une mosquée à Clichy.

Quel que soit le degré de responsabilité que l’on imputera aux médias, elle s’inscrit dans le prolongement de la politique des divers gouvernements qui depuis trente ans sont comptables de la situation actuelle des banlieues. Comme le soulignait Claude Imbert, dans le Point en novembre dernier : « ce drame (des émeutes) révèle comme jamais le vice, qui depuis des décennies ruine notre vie publique : celui d’enfouir toutes les vérités qui fâchent sous l’angélisme ou la jérémiade. Celui en somme d’une longue incurie ».

Paul Barelli
Paul BarelliLe billet de Paul Barelli paraît dans le Petit Niçois

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