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LE COMTÉ DE NICE

carte-mercatorLa dédition de Nice en 1388 aboutit au partage de la Provence orientale. Les vigueries de Nice, du val de Lantosque et du comté de Vintimille, de Puget-Théniers et de Barcelonnette, outre la baronnie de Beuil, passent sous l’autorité de la maison de Savoie ; alors que la baillie de Saint-Paul, comme les vigueries de Grasse et de Guillaumes, continuent à suivre le destin de la Provence, devenu à partir de 1481 celui de la France quand Louis XI hérite des possessions de Charles III, successeur du roi René. La frontière entre les deux Etats demeure très tortueuse, avec de nombreuses enclaves, alternativement savoisiennes et françaises. La situation humaine n’est guère plus simple. Bien que séparée de la « Patria Provinciae », la région niçoise garde de nombreux liens avec elle : maintien du droit provençal pour les règles s’imposant aux fiefs, inclusion de trois des quatre diocèses qui se partagent ce pays dans l’Eglise gallicane dont celui de Nice suffragant d’Embrun jusqu’à la Révolution. Le dialecte nissart constitue toujours un rameau de la langue d’oc ; tandis qu’une vingtaine d’agglomérations, proches de la frontière ou rattachées plus tardivement à la division niçoise, utilisent la langue française pour rédiger les actes administratifs.

Aussi les souverains savoisiens nomment-ils d’abord leur acquisition : « Terres Neuves de Provence », tandis que sa capitale est appelée : « Cap de Prouvenso ». Selon André Compan, le titre comtal, absent lors de la dédition, ne figure que dans deux textes (1392 et 1554). Par contre, le terme comté, apparu en 1422, est utilisé avec une certaine constance dès la fin du XVe siècle et officialisé par la chancellerie à partir de 1574. En définitive, il s’agit d’une appellation administrative. Elle a le mérite de s’opposer au point de vue selon lequel le pays niçois n’est que la partie la plus orientale de la Provence, artificiellement et provisoirement séparée d’elle. En parlant de comté de Nice ne désigne-t-on pas une entité réelle, viable ? Elle correspond à une réalité géographique en recouvrant la zone où la montagne des Alpes-Maritimes est la plus compacte et la moins pénétrable. En se donnant à la Savoie, Nice ne rejoint-elle pas le monde alpin, une des composantes essentielles de sa région ?

Quoi qu’il en soit de cette controverse, le comté de Nice va représenter une des provinces des « Etats de terre-ferme » savoisiens, l’île de Sardaigne étant exclue. Leur nombre total s’élève à 14 au milieu du XVIe siècle, 19 en 1622, 25 pour 1697, 23 quant à 1723 (quelques circonscriptions piémontaises ayant disparu). Le chiffre remonte à 31, l’an 1749. A cette date, on recense 6 provinces pour le duché de Savoie, 14 dans la principauté du Piémont dont font partie le « Contado di Nizza » et son annexe : le « Principato  d’Oneglia », 4 pour le duché de Montferrat, 1 quant au duché d’Aoste et 1 pour le val de Sesia, 5 pour les provinces acquises récemment. En 1818, l’effectif global atteint 40 circonscriptions par l’annexion de la république de Gênes.

Durant cette période le nombre des communautés composant le comté de Nice a varié en fonction des modifications de frontières. Il y en a 86 lors de la dédition : viguerie de Nice 17, baillie de Villeneuve 14, viguerie des Tinées 16, val de Lantosque et comté de Vintimille 23, baillie de Barcelonnette 6, possessions du sire de Beuil 10. Mais Tende et la Brigue, Castellar avec Gorbio ainsi que le marquisat de Dolceacqua n’en font pas encore partie. Le rapport de l’intendant Mellarède mentionne 98 communautés au début du XVIIIe siècle, par l’inclusion des localités précédentes ainsi que de quelques agglomérations non signalées auparavant dans le val de Barcelonnette. L’effectif n’est plus que de 86 unités en 1752, selon la relation de l’intendant Joanini, car la vallée de l’Ubaye a été cédée à la France à la paix d’Utrecht. Après le traité de 1760, réalisant un échange de localités entre Louis XV et le roi de Sardaigne afin de rendre la frontière plus rectiligne, le comté remonte à 90 communautés car, s’il en perd 5 il en gagne 9 dont Guillaumes.

La création du premier département des Alpes-Maritimes lui en attribue 96 par le rattachement des principautés de Monaco et Seborga, de la cité de Drap – ancien fief de l’évêque niçois -, avec Castillon et Moulinet ex-dépendances de Sospel qui se sont émancipées. Le département se subdivise en trois districts baptisés arrondissements par la suite et une vingtaine de cantons.

Par contre la Restauration sarde, après 1814, ramène l’effectif communautaire au chiffre de 87. En effet, la fondation de la Trinité-Victor est un ajout qui ne compense pas la perte de dix agglomérations : principautés de Monaco et Seborga, Drap, marquisat de Dolceacqua avec ses annexes de RochettaPigna. Cependant surgissent des éléments nouveaux. Le mandement, regroupant plusieurs communautés, correspond aux cantons de la période révolutionnaire et impériale ; ils font revivre des réalités géographiques : les bassins fluviaux, eux-mêmes supports d’unités historiques : tribus celto-ligures et « pagi » romains. Inversement la division, composée de plusieurs provinces, est une véritable création sarde, facilitée par l’annexion de la république génoise. Ainsi, la division de Nice comprend trois provinces : celle de Nice (15 mandements, 87 communautés), celle de San Remo (8 mandements, 38 communautés), et celle d’Oneille (6 mandements, 66 communautés). Plus que jamais auparavant, un aspect ancestral du comté de Nice, celui de marche-frontière alpine entre la France et l’Italie est mis en évidence.

Henri COSTAMAGNA
in "Dictionnaire historique et biographique du Comté de Nice"
Nice, Serre éditeur, 2002

 

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