inset histoire

 

Supposons que l’Europe forme
un seul État...


Dans une telle hypothèse, plus d’armées, plus de flottes, et les immenses capitaux arrachés presque toujours aux besoins et à la misère des peuples pour être mis au service de l’extermination, seraient utilisés au contraire à l’avantage du peuple et investis dans un développement colossal de l’industrie, dans l’amélioration des routes, dans la construction des ponts, dans le creusement des canaux, dans les fondations d’établissements publics, et dans l’érection d’écoles qui délivreraient de la misère et de l’ignorance tant de pauvres créatures qui dans tous les pays du monde, quel que soit leur niveau de civilisation, sont condamnés par l’égoïsme du calcul et par la mauvaise administration des classes privilégiées et puissantes à l’abrutissement, à la prostitution de l’esprit et de la matière.
Eh bien ! La réalisation des réformes sociales que je viens d’esquisser dépend seulement d’une puissante et généreuse initiative. [...]
La base d’une Confédération d’Europe est naturellement tracée par la France et par l’Angleterre. Que la France et l’Angleterre se tendent franchement, loyalement la main, et l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Hongrie, la Belgique, la Suisse, la Grèce, la Romélie viendront aussi, et pour ainsi dire instinctivement, se grouper autour d’elles.
En somme, toutes les nationalités divisées et opprimées ; les races slaves, celtes, germaniques, scandinaves, la gigantesque Russie comprise, ne resteront pas hors de cette régénération politique à laquelle le génie du siècle les appelle. [...]
Je désire ardemment que mes paroles parviennent à ceux auxquels Dieu confia la sainte mission de faire le bien, et ils le feront certainement, préférant à une grandeur fausse et éphémère, la véritable grandeur, celle qui a sa base dans l’amour et dans la reconnaissance des peuples.»
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Pour Garibaldi, l’unité italienne devait représenter un modèle pour les nationalités européennes, hongroise, tchèque, polonaise, finlandaise, serbe, bulgare, roumaine, grecque en lutte depuis des lustres avec les empires autrichien, russe ou ottoman. Il appliqua à l’Europe sa devise d’Amérique latine : Libertad para todos y si no es para todos no es libertad. Il se fit ainsi le champion de la lutte contre toutes les formes d’absolutisme, de despotisme et de tyrannie, et se montra solidaire avec tous les démocrates exilés.
C’est à partir de 1860 qu’il connut la plupart des figures du mouvement démocrate, républicain et révolutionnaire international et surtout européen. Sa maîtrise de quatre langues, l’italien, le français, l’espagnol et l’anglais, lui fut d’ailleurs d’un grand secours pour correspondre avec les républicains français prestigieux Ledru-Rollin, Louis Blanc et Victor Hugo, le chef du mouvement révolutionnaire hongrois Lajos Kossuth, le révolutionnaire russe Alexandre Herzen, l’anarchiste Mikhail Bakounine, et le grand représentant du mouvement démocratique allemand, Karl Blind. Par ailleurs, il noua des contacts avec des patriotes grecs, des démocrates suisses, belges, scandinaves et espagnols, et il devint citoyen d’honneur de Londres par la volonté du lord-maire Scott, à l’occasion de sa tournée triomphale en Grande-Bretagne en avril 1864 au cours de laquelle Garibaldi donna l’image d’un homme libre, sincère, porteur d’un idéal empli d’humanité et d’universalité, et défendant avec force les valeurs de liberté, de justice, de solidarité, de fraternité, et d’égalité. Lui qui côtoyait les princes savait rester humble dans son poncho et sa chemise rouge. Certes ses détracteurs pouvaient se moquer de sa naïveté, de sa candeur, ou de l’incohérence de ses propos mais chacun pouvait s’identifier et prendre pour modèle ce “flibustier” niçois qui apparaissait, en outre et de plus en plus, comme le «capitaine de la démocratie européenne militante», titre que lui avait décerné le maire de Locarno, Luigi Rusca, en juin 1862.
Son île devint d’ailleurs «la Mecque de la démocratie européenne». Le vendredi, Garibaldi accueillait toutes sortes de gens, des amis, des ambassades politiques, des caravanes de vénitiens, trentins, istriens, romains, hongrois, polonais, espagnols, grecs, russes, allemands.
Mais si le héros de Caprera était animé par un idéal humaniste et moral, il ne négligea pas la réalité géo-stratégique de l’époque. C’est ainsi qu’en 1859-1860, il tenta avec Kossuth de soulever les Hongrois et, en 1863, la Galicie, soutenant de toute son âme la révolte polonaise anti-russe, encourageant les comités de soutien et les manifestations de solidarité, dénonçant «le terrible assassinat» du peuple polonais. L’un des héros de l’insurrection polonaise, Zygmunt Sierakowsky, lui offrit même la tête du mouvement. Il refusa toutefois, car il était bien incapable d’assumer une telle responsabilité, convalescent de sa blessure de l’Aspromonte.
En 1864 et en 1865, Garibaldi s’impliqua alors dans un vaste projet d’expédition en Galicie et en Europe balkanique, dans l’espoir chimérique de libérer les peuples slaves, hongrois et polonais et de permettre à Victor-Emanuel II de conquérir la Vénétie sur une Autriche affaiblie. Mais les intrigues brouillonnes des mazziniens, des garibaldiens, et des agents du Roi finirent par faire avorter un projet qui manquait de cohérence et de moyens suffisants. Pour autant, l’intérêt de Garibaldi pour les Balkans ne faiblit pas. Dix ans plus tard, le 6 octobre 1875, révolté par les massacres perpétrés par les forces ottomanes dans cette région soulevée, il retrouvait l’accent de ses proclamations enflammées en appelant ces peuples à l’insurrection générale.
Mais, en dépit des discours enflammés, des déclarations de principe et des proclamations révolutionnaires, Garibaldi ne participa à aucune expédition de libération nationale en Europe centrale et orientale. Et pourtant, son image resta extraordinaire en Hongrie et en Pologne. De nombreux volontaires hongrois et polonais partirent se battre dans les rangs des Chasseurs des Alpes en 1859, en Sicile en 1860, à l’Aspromonte en 1862, à Mentana en 1867, et même dans l’armée des Vosges en France en 1870-1871 (tels le Hongrois Stéphane Türr, l’un des généraux des Mille de Marsala, fidèle entre les fidèles, ou le Polonais Joseph Hauke, dit Bosak, qui mourut en héros en France en 1871). Il y eut même un Garibaldi hongrois en la personne de Georges Klapka, vétéran des Chasseurs des Alpes, surnommé ainsi par ses compatriotes pour honorer la lutte qu’il mena en faveur de la liberté.
En Pologne, la renommée de Garibaldi connut son apogée au milieu des années 1860. Paysans et citadins, nobles et roturiers voyaient en lui le nouveau libérateur et attendaient son arrivée prochaine. Dans les rues, son nom devenait une insulte à l’autorité et à l’occupant russe. Portraits et statuettes du héros inondaient les auberges de Varsovie.
Mais ce fut en France, en 1870-1871, que Garibaldi devint véritablement la figure universelle du défenseur des peuples opprimés, le porte-parole d’une humanité éprise d’absolu et de liberté.

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Garibaldi acclamé par la foule au Congrès de la Paix à Genève en 1867. Gravure extraite du «Monde Illustré», collection privée.
Programme de Garibaldi au Congrès de la «Ligue de la Paix et de la Liberté» de Genève (fin du discours du 9 septembre 1867)

  • 1. Toutes les nations sont sœurs.
  • 2. La guerre entre elles est impossible.
  • 3. Toutes les querelles qui surgiront entre les nations devront être jugées par un Congrès.
  • 4. Les membres du Congrès seront nommés par les sociétés démocratiques des peuples.
  • 5. Chaque peuple aura un droit de vote au Congrès, quel que soit le nombre de ses membres.
  • 6. Le pape, étant la plus nocive des sectes (sic), est déclaré déchu.
  • 7. La religion de Dieu est adoptée par le Congrès et chacun de ses membres s’oblige à la propager. J’entends par religion de Dieu la religion de la vérité et de la raison.
  • 8. Suppléer le sacerdoce des révélations et de l’ignorance par le sacerdoce de la science et de l’intelligence.


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La Paix et Nice guidant les Nations. Bas relief en bronze de Gustave Deloye (1891). Nice, piédestal de la statue de Garibaldi.

Inscription du monument à Garibaldi de Budapest. Photo Luc Thevenon.

 

 

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