inset identite

 

retraite-m-chappuisChapitre 6

Une mort suspecte

Si vous avez raté le chapitre précédent...


Maître Camous n’arrivait pas à trouver le sommeil. Il rêvait éveillé. Depuis les petites classes il connaissait Alphonsine, jolie et studieuse. Elle était devenue belle avec l’adolescence. Elle acceptait de jouer avec lui, mais timidement. Cela dura quelques années.

Puis elle tomba amoureuse d’Anatole. Anatole arrivé de Nice sans que l’on connaisse sa vie à la ville était devenu le jardinier du village, amusant, séducteur, barbu et chevelu. Elle l’épousa en moins de deux mois. Il buvait sec avec ses amis sous la treille du bistrot du village. A court d’argent il se remettait au travail. Les dames alentours aimaient à lui donner de l’ouvrage en l’absence de leur mari. Inconstant, affectueux, drôle, il la désorientait. Par ailleurs maniaque, il partait tous les jours à la cave à l’heure de la sieste. Laissa mi faire lou mieu pénéque, laisse-moi siester, criait-il à son épouse qui l’appelait.

Il partait parfois à la ville et disparaissait deux jours ou une semaine puis revenait, gai comme toujours. Alphonsine l’acceptait et lui faisait entière confiance, comme toute femme amoureuse.
Puis un jour, il descendit dans la cave qui donnait sur les remparts avec des outils et des planches. On entendit la scie, le marteau, le rabot. « Que fabriques-tu Anatole ? » criait, d’en bas, Alphonsine sans oser monter. « Je me fabrique un lit » lui répondait Anatole d’en haut.

Alphonsine, dans sa sagesse féminine, n’insista pas. Le travail dura plusieurs semaines.

Anatole descendit  ensuite du gros tissu blanc rayé de bleu, de la bonne laine, du fil et une aiguille de matelassier. Le lit achevé et l’hiver arrivant, il construisit également une bonne cloison au fond de la cave avec une porte munie d’une serrure pourvue d’une grosse clef qu’il accrochait à un clou sur la cloison. A compter de ce jour on n’entendit plus ni marteau ni scie.

Alphonsine crut qu’Anatole allait renoncer à ses siestes avec le froid. Mais, il prit une grosse couverture dans l’armoire et les poursuivit.

La tendre Alphonsine  accepta les longues siestes de son époux, si drôle et si beau. Même lorsqu’il évoquait la mort, il plaisantait. Tu verras, je m’endormirai bien au chaud dans ma cave et personne ne s’en apercevra. Comme une olive bien mûre qui tombe, je partirai sans douleur et sans qu’on m’arrache de l’arbre. Il se trompait. Au cours d’un après-midi sous la treille du bar avec ses amis, ils burent un peu plus que de coutume et eurent l’idée de jouer l’addition à la nage dans le torrent sous le village. Anatole entra dans l’eau et ne revint jamais. On ne retrouva pas son corps, ce qui fit jaser certains.

Alphonsine atteignait à peine ses trente ans. Ses parents, oncles, frères, cousins partis dans l’autre monde, il ne lui restait plus qu’une lointaine nièce de la ville, Anna, mariée jeune avec un gratte papier, rêvant de devenir banquier, et parti faire carrière dans le Nord. Elle lui écrivit. Ce fut le mari banquier qui répondit pour elle avec quelques phrases administratives.

chappuis-chap-6-une-mortAlphonsine, surprise, montra ce courrier à son ami Camous, devenu notaire. Il accusa réception directement et, dès lors, leurs échanges se bornèrent aux vœux annuels et protocolaires. Alphonsine légua tout de même tous ses biens à Anna Chappuis, sa seule héritière.

La conscience apaisée sur le sujet important de la transmission des biens familiaux, elle entamât un veuvage paisible avec les petites rentes de ses terres, une belle maison, et l’amitié constante de son ami d’enfance devenu Maître Camous. Il l’aimait toujours et Alphonsine le voyait bien, mais elle resta fidèle au souvenir d’Anatole qui continuait à vivre en elle avec sa forfanterie  et sa bonne humeur.

Maître Camous sut rester doux sans excès. Alphonsine forçat un peu son amitié. Tous deux, rapprochés par ces attentions réciproques surent vivre ainsi heureux, durant cinquante ans.

Maître Camous n’arrivait pas à dormir alors que tout le village reposait déjà. Le berger, le forgeron, le tisserand, le maçon, le maréchal-ferrant, le menuisier, le boulanger, le cabaretier, la postière et son mari, et même le maire Célestin Béluga qui dormait, content de lui, la bouche ouverte de plaisir, car étant le premier magistrat de la commune, il se devait de dormir plus que les autres.

Maître Camous s’endormit à son tour, le dernier du village, en rêvant à Alphonsine.  
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