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gilbert-stellardoPOLITIQUE ÉCONOMIE STELLARDO - A l’origine d’une grande étude prospective « Côte d’Azur 2010 », Gilbert STELLARDO, ancien président de la CCI NCA rend son verdict sur les recommandations dont la plupart restées sans suite.

Peu de temps après le 30ème anniversaire de la création de Sophia-Antipolis, qui avait consacré avec un certain faste en 1989 l’arrivée à maturité de la technopole, Gilbert Stellardo demandait à la Chambre de commerce et d’industrie, qui avait été un acteur majeur dans cette trajectoire, de prolonger son action en contribuant « à une réflexion sur le développement économique à long terme de l’espace territorial». Menée par un comité de pilotage d’élus économiques recourant aux services de la Chambre, de cabinets d’études spécialisés et enrichie d’entretiens avec de nombreux chefs d’entreprise et élus locaux : « Côte d’Azur 2010 » fut publiée en 1991. Avec pour objectif « de doter l’ensemble des acteurs d’un outil de référence de façon à mieux organiser et optimiser les capacités de développement de l’ensemble des activités économiques, et à faciliter les prises de décision. Celui-ci pourra être modifié ou amendé dans les actions futures qu’il faudra savoir mettre en oeuvre ensemble. »

C'était un noble projet et il l’est toujours.
Malheureusement…

« Si on recommençait l’analyse, on parviendrait aux mêmes conclusions… La situation serait même globalement moins bonne, car les côtés négatifs se sont amplifiés », commente Gilbert Stellardo, s’essayant, « vingt ans après » et chapitre par chapitre, à la lecture critique, sans être exhaustive, des acquis.

Après « Côte d’Azur 2010 », qui préconisait un ensemble littoral de Saint-Tropez à San Remo, l’intercommunalité souhaitée a fait d’incontestables mais insuffisantes avancées. « On gamberge sur Nice grande métropole, mais on devrait englober Cannes-Grasse. Ce serait presque le commencement de l’aménagement élargi. Ces deux structures devraient travailler avec l’Italie du Nord et le département du Var alors qu’il n’y a pas de réflexion étendue à ces territoires.»

Se désenclaver ? « C’est notre problème. Nous ne vivons qu’à travers l’aéroport. Or nous assistons à une prise en main du pouvoir écologique sur l’aménagement du territoire. Il n’y a en réalité plus d’aménagement du territoire. On ne parle plus que d’écologie, de n’importe quelle écologie : la ville verte, la promenade verte… À partir de là, on ne fait plus d’autoroute, plus de train rapide. À l’époque, l’A8 bis était donnée comme réalisée demain. Son abandon est une erreur. On ne peut pas croire que demain, on se déplacera à vélo. La voiture a encore quelques décennies devant elle. Les instances économiques n’ont pas réagi comme elles auraient dû à cette décision. Seul Bernard Nicoletti a fait une objection, mais il est  toujours soupçonné d’être dans le béton ».

Quid ensuite de la gestion de l’espace azuréen comme espace rare ? « On a un homme politique (ndlr Christian Estrosi) bien en place avec le pouvoir politique national. Qu’a-t-il obtenu ? La plaine du Var. En 2020, je ne sais pas où on en sera car si on croit faire l’OIN au travers de la seule écologie… Le plateau Tercier était le devenir du département dans les années 90 ; on ne sait même plus où il est... Sophia Antipolis s’est dégradée : le revenu par tête n’est plus ce qu’il était, avec la baisse des niveaux de salaires et des déqualifications.

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Le transport ne trouve pas davantage grâce à ses yeux, à une exception: « on a fait un tramway à Nice. Mais on est toujours sur le site propre Aéroport-Acropolis. Comme demeure oubliée la mer. Son exploitation à des fins de transport est toujours au point mort. Or cela apporterait une solution, avec nos ports en cœur de ville. Il y a des problèmes financiers sur la question des équipages, mais ces problèmes sont solubles. Prenons encore le port de Nice. Qui commande ? Est-ce le président de l’association qui est venu y prendre sa retraite ? Un port sert à quoi ? À faire dormir les gens ou à développer l’activité économique ? Si on ne tranche pas, on est cuit. L’aménagement du moyen pays est aussi en panne. Les élus n’en veulent pas. Comme on l’a vu à La Gaude avec Malongo, auquel on a mis tant de bâtons dans les roues. Chacun défend son pré-carré. Le politique ne défend pas le devenir de son territoire ; il défend son avenir et flatte son électorat. Développer une activité économique qui va créer quelques nuisances est peu apprécié. »

Sur la politique d’accueil et de développement à fonder sur la qualité, c’est « l’échec le plus total. Comme le territoire est restreint, nous n’avons d’autre choix que de privilégier la qualité des clientèles plutôt que leur quantité. Mais le niveau qualitatif de notre offre a baissé depuis 40 ans dans tous les compartiments. On est toujours aussi mal reçu dans les commerces. On n‘a pas amélioré la qualité de l’hôtellerie. Le choix de faire à Nice un hôtel de luxe sur le quai des Etats-Unis était bon. Le rejet de cette option s’est fait sans évaluation économique mais sur le seul critère politique : faire le contraire du prédécesseur. On n’a pas dans l’hôtellerie les arguments pour faire venir la clientèle de luxe et pas d’ambiance luxe, sauf un petit peu à Cannes. Les gens fortunés et voulant faire la fête ne viennent pas chez nous. Ou ils viennent chez eux, dans les villas achetées. »

On devait aussi accroître le potentiel de matière grise et développer les fonctions métropolitaines, mais « la recherche, l’université n’ont pas avancé. Nous manquons toujours d’écoles d’ingénieurs. Il y en a dans le Var mais pas ici alors qu’il aurait été normal d’en agréger autour des activités de Sophia. Mais il faut une vraie volonté, car ça coûte. Au CERAM s’étaient développés des mastères de finance, mais leur créateur (Noël Amenc) est à Londres. Pourquoi ? Le campus du CERAM n’a pas vraiment gagné en crédibilité depuis 20 ans. A l’association avec l’ESC Lille, pour former SKEMA Business School, on aurait pu préférer celle avec l’EDHEC, déjà présente dans le département ; mais l’intérêt général a pâti de rivalités de personnes. »

La Riviera Côte d’Azur s’est-elle donné les moyens de renforcer ses fonctions de rayonnement mondial ? « A l’époque, le patron de Toyota ne comprenait pas pourquoi nous ne développions pas une grande université du design, cette activité n’obéissant à aucune loi conjoncturelle et ayant la chance de profiter du voisinage de Turin. Au lieu de détourner, à Nice, les espaces Spada ou les abattoirs, plus utiles pour une vocation économique que culturelle, il serait préférable d’organiser une saison d’opéra d’envergure internationale dont les réservations se feraient un an à l’avance. La culture doit aussi procurer des retombées économiques.»

Mais encore eut-il fallu, tel que préconisé dans l’ouvrage, développer les liens transfrontaliers avec l’Italie du Nord. « La coupure demeure. Le doublement du tunnel de Tende n’est toujours pas réalisé. Et il faut toujours 3 heures pour rallier le Piémont. Si comme on l’a projeté vingt fois dans le passé, Nice était à 50 mn de Cuneo et à 1h de Turin, la richesse de ce département se serait multipliée par deux. Les Italiens ont besoin d’une ouverture vers la mer. J’avais présenté une ligne à grande vitesse. Les Italiens en payaient les 2/3. La Communauté européenne avait donné son feu vert. Christian Estrosi a bloqué le projet parce qu’il traversait sa circonscription. Rien n’a bougé et on ne voit pas la volonté politique pour que ça change. »

Est-ce la morale de cette re-lecture ? « J’avais demandé à Francis Perugini (président de la CCI de 1998 à 2005) de mettre en place une commission de suivi. Je pensais aussi que les politiques au Conseil général se seraient accaparés le document ; mais je me suis aperçu que du moment que ça ne venait pas d’eux… En France, on passe son temps à démolir les idées des gens plutôt qu’à les aider à les réaliser plus rapidement. Il suffit qu’une étude émane de quelqu’un pour qu’un autre ait envie d’autre chose, de poser son nom. On ne passe pas le relais. »
Après Jacques Médecin
ou Pierre Costa, avec lesquels il a pu y avoir un travail commun et aussi des conflits, il y eut une seule fois une occasion de travailler ensemble. Quand j’étais premier adjoint de Jacques Peyrat, une structure dans laquelle se retrouvaient le Département, la Chambre de commerce, la Préfecture et la ville de Nice a fonctionné un temps, pour disparaître on ne sait pourquoi.
Actuellement il n’y a plus de contre-pouvoir. 

Propos recueillis par Jacques Bruyas
LA TRIBUNE
 

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