Mais à Nice RendezVous (plusieurs centaines de milliers de visiteurs uniques par mois, que nous remercions de leur fidélité) nous sommes bien placés pour savoir que ce café du commerce planètaire, cette Babel en constante progression est aussi un formidable révélateur des tares et des excès de ce qu'il faut bien appeler le monde civilisé. Comme toutes les technologies, sans conscience, l’Internet ne peut qu'aboutir à la ruine de l'âme pour paraphraser l'inventeur de l'abbaye de Thélème dans laquelle le "fais ce qu'il te plaît" n'était possible qu'en ayant acquis une haute culture permettant l'accès à une morale élevée, fondée sur la responsabilité personnelle et l’autodétermination.
Y a du boulot. Et l'Internet peut nous y aider, … si l'outil est maîtrisé.   

Internet risque fort de nous surprendre en 2009. 

Non pas en matière d’innovations technologiques, mais au cœur de notre mode de vie. Plus que jamais, l’évolution de l’usage de la Toile s’apparente à la langue d’Esope. Elle est à la fois « la meilleure et la pire des choses ». Cette expression s’applique parfaitement à Internet, selon le philosophe Michel Serres.

Il rappelle qu’Esope est un esclave qui racontait des fables. Un jour, son maître lui demande de rapporter, pour un banquet, la meilleure des nourritures. Esope rapporte des langues ! D’abord aux anges, les convives finissent le repas dégoûtés. L’esclave explique qu’il a choisi la langue, car c’est la meilleure des choses, le lien de la vie civile, la clef des sciences, celle par laquelle on instruit. Le lendemain, le maître demande à Esope de rapporter la pire des choses et de la servir. L’esclave ramène de la langue, expliquant qu’elle est la pire des choses, mère de tous les conflits, source des guerres, de la calomnie et du mensonge. Pour Michel Serres, qui l’a confié à l’Ecole polytechnique de Lausanne, Internet est cette nouvelle langue d’Esope, à la fois belle et terrible, qui déjà a changé la structure mentale des individus :

« Tout sujet devenant immédiatement accessible dans cette immense mémoire en mouvement qu’est la Toile, la nécessité d’un savoir par cœur s’est anéantie au cœur du savoir ». Tout le savoir du monde se trouve potentiellement sur Internet. A un clic près. Plusieurs études récentes, révèlent le renforcement de l’influence du Web auprès du public. Internet est devenu en 2008 la deuxième source d'informations des Américains, dépassant pour la première fois la presse écrite traditionnelle, selon une enquête menée par le centre d'études américain Pew.

Quelque 40% des Américains disent ainsi aller d'abord sur Internet pour se tenir au courant de l'actualité, contre 35% qui préfèrent lire des journaux. L'enquête montre une progression spectaculaire du Net entre 2007 et 2008, avec un bond de 16 points, tandis que les journaux connaissent une érosion lente de leur lectorat depuis plusieurs années. La télévision reste la source principale d'informations pour 70% des Américains. Cependant, chez les plus jeunes, les 18 à 29 ans, le Web fait jeu égal avec la télévision (59%).

Quant aux Français, ils préfèrent disposer d'une connexion plutôt que d'avoir un véhicule. D'une manière générale, le numérique a changé leur vie. C'est l'un des résultats d'une étude menée par AMD, conjointement avec le cabinet YouGov, en Europe (sur un panel de plus de 5 000 personnes). Le sujet : l'évolution du numérique et la manière se vivre avec. Si certaines tendances paraissent évidentes - l'ordinateur portable est en vogue, d'autres surprennent - «99% des accrocs aux jeux s'arrêtent naturellement vers 18 ans».

Pour revenir à la langue d’Esope -version « la pire des choses », Internet peut se métamorphoser, pour certains usagers, en drogue dure ! Ou occuper une place disproportionnée dans l’existence des « accros ». Harris Interactive a publié une étude, pour Intel, mettant en exergue l’importance que prend l’usage du Web pour les américains. Il est jugé « assez important », « important » ou « très important » pour 95 % des personnes interrogées. Plus étonnant, les hommes sont près de 30% à dire pouvoir se passer de toute relation sexuelle pendant deux semaines au profit d’Internet alors que les femmes sont, … 46 % à l'affirmer !

Au-delà de l’anecdote, cette étude témoigne de la sur-utilisation du web. Une sorte de fuite en avant. Elle masque, parfois, un terrible isolement de certains de nos contemporains qui n’appréhendent l’existence qu’au travers de leur écran d’ordinateur. Ecran ! Or, la Toile devrait ouvrir le champ des contacts. Et être accessible aux plus défavorisés.

Ainsi, Eric Besson, le Monsieur Internet du gouvernement, a lancé récemment la plate-forme Ordi2-0.fr, l’outil anti-fracture sociale et prodéveloppement durable qui fait partie des 150 actions de son plan « France numérique 2012 ». Parmi ces mesures : l’objectif est d’aider à ce que les 2,5 millions d’ordinateurs mis au rebut chaque année par les entreprises - dont un million «en bon état de fonctionnement», comme l'a précisé Eric Besson à Libération- puissent être réattribués, moyennant une contribution modeste de 50 à 70 euros, aux personnes dans l’incapacité de se payer une machine neuve.

Paul Barelli

Le Petit Niçois