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LE CLÉZIO et NICE : UNE LONGUE et DIFFICILE HISTOIRENOBEL LITTÉRATURE LE CLÉZIO - Le prix Nobel de littérature a été attribué jeudi, et pour la quatorzième fois à un écrivain français, Jean-Marie Gustave Le Clézio, récompensant l'ensemble de l'oeuvre (45 livres publiés) d'un homme qualifié "d'écrivain de la rupture, de l'aventure poétique et de l'extase sensuelle" par le jury suédois.
Nice est particulièrement sensible a cet hommage puisque c'est ici qu'il est né, le 13 avril 1940. Cependant, issu d'une famille bretonne émigrée à l'Île Maurice au XVIIIe siècle, il a toujours déclaré abruptement : «Je n'appartiens pas au sud de la France, même si je suis né par hasard à Nice». Mais c'est pourtant bien à Nice qu'il a passé son enfance et son adolescence et qu'il a effectué une bonne partie de ses études. Et bien qu'il réside aujourd'hui aux USA, non loin de la frontière mexicaine, il revenait régulièrement dans le quartier du port de sa ville natale où sa mère est décédée il y a peu et où il a conservé quelques attaches.

J.M.G. Le Clézio à mis en scène Nice dans nombre de ses livres : Nice "ville-paysage" est bien présente dans Procès-verbal, Révolutions, Terra Amata et dans un texte sur la notion « d'arrière-pays » publié par la revue GEO; la Nice de 1940 à 1963 est en traces dans Onitsha, Poisson d'or, Révolutions, Printemps, L'Africain, Ourania etc. Rappelons enfin que Procès-Verbal (éditions Gallimard) a été illustré par un autre enfant de Nice, Edmond Baudoin, un dessinateur que NiceRendezVous a eu maintes fois l'occasion de présenter.
Ainsi c'est à Nice surtout qu'il a découvert le cinéma, cette passion qui le dévorera toute sa vie et dont il rend compte dans un ouvrage récent, Ballaciner, paru en mai 2007 aux éditions Gallimard.
Plutôt que de rewriter une énième biographie de cet "écrivain cosmopolite", comme le qualifie Horace Engdahl, secrétaire permanent de l'Académie Nobel, nous préférons citer quelques extraits de Ballaciner où il évoque, avec le talent qu'on lui connaît, les salles de cinéma jadis si nombreuses dans la capitale azuréenne. Une évocation qui ne laissera pas insensible tous ceux qui ont connu Nice à la fin des années 50...

« Lorsque j'ai commencé à fréquenter les salles de cinéma, à l'âge de 16 ou 17 ans, je suis entré dans un cycle qui m'a apporté beaucoup de plaisir et d'émotions. C'était à Nice, qui à l'époque s'enorgueillissait de posséder cinquante salles de cinéma. Il y en avait pour tous les goûts, pour tous les prix, pour tous les quartiers. J'allais au cinéma jusqu'à deux ou trois fois par jour. On m'objectera qu'il devait falloir avoir les moyens. C'était une autre époque. Certains cinémas (il en sera question plus loin) étaient de véritables théâtres, présentaient des films récents, hollywoodiens, Cinémascope et Eastmancolor, et drainaient les spectateurs les plus fortunés de cette ville, qui s'endimanchaient comme pour aller au théâtre. Toutefois, les six premiers rangs étaient généralement bradés à des prix dérisoires, au cours des matinées. C'est là que j'ai vu nombre de péplums, les westerns récents, (...).
Les amateurs désargentés pouvaient opter pour les cinémas de quartier. Chacun avait son public : les Gitans - très nombreux à
Nice à l'époque - allaient au Politéama, ou au cinéma du Pin, ou de la Tour, dans la vieille ville. On y donnait des films populaires (...) dans une ambiance houleuse. Le cône de lumière dont parle Barthes était la plupart du temps fracturé par la fumée des cigarettes qui montait des premiers rangs et s'interposait devant l'écran. J'ai vu des passages entiers de certains films projetés sur ce brouillard lumineux qui leur conférait une apparence fantasmagorique, voire diabolique. Des bagarres éclataient, le film était interrompu, les lumières rallumées, le temps d'un contrôle de police.
Au
Cinéac - le cinéma fréquenté par Gilles Jacob -, on pouvait voir pour une somme dérisoire les anciens succès.
(...)
Certains cinémas étaient spécialisés : le ciné
Edouard-VII projetait exclusivement des films d'horreur, puis, quand la mode a passé, des films dits « érotiques ». Le cinéma Barla, des films de muscle, généralement italiens
(...). Le Mondial (la grande salle aux petits prix) permettait de voir en permanent les grands Américains (...). Le Magnan, presque en dehors de la ville, permettait à ceux qui les avaient manqués de voir les succès commerciaux vieux de deux ou trois ans, déjà sombrés dans l'oubli. Mais le cinéma que je fréquentais le plus, c'était le Saint-Maurice, perché dans les hauts de la ville, qui accueillait une fois par semaine le ciné-club Jean-Vigo.
C'est là que j'ai vu la plupart des classiques. Le ciné-club, c'était une véritable institution à cette époque. C'était le temple de l'art cinématographique, servi par des cinéphiles dotés d'une vaste culture cinématographique, provenant de milieux très divers. On y trouvait des avocats tel Levamis, des profs de lycée tels Woelffel ou Salvetti...
(...) C'était une époque illusoirement facile. Revenir au ciné-club à cinq ou six dans une belle américaine, rouler sur le front de mer à 4 heures du matin, et finir la nuit au Storyville donnait l'assurance de faire partie des happy few, d'une élite, peut-être d'une éternelle jeunesse.
Malgré tous ses défauts et les critiques que l'on peut lui faire, le
ciné-club Jean-Vigo reste, pour ceux qui l'ont connu, un lieu extraordinairement brillant, où la fièvre du cinéma pouvait se propager et donner des frissons, où l'on pouvait recevoir la part la plus vivante de cet art. Au moment d'en parler, il me semble éprouver encore l'espèce d'impatience qui s'emparait de nous, avant la projection, tandis que le présentateur, fiches en main, faisait l'historique de ce qui avait inspiré, porté et mis au monde le film que nous allions découvrir. La séance terminée, nous étions lâchés dans la nuit, au sommet d'une colline. Il n'y avait plus de bus, et peu d'entre nous disposaient d'un moyen de locomotion. Commençait alors la longue descente vers la ville, durant laquelle nous parlions avec emportement, parfois avec justesse, de ce que nous avions vu, de ce que nous avions vécu. (...) 
L'étonnant, c'est que le point de départ de tout cela, c'était cette petite salle aux sièges usés de moleskine rouge, loin de tout, archaïque, odorante, inconfortable, qui changeait de nom une fois la semaine pour prendre celui d'un des tout premiers génies du cinéma universel. »
(© Gallimard)



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