SÉCURITÉ ROUTIÈRE - Contrôle médical obligatoire pour les conducteurs âgés : l’exception française. Pour quelles raisons la France rechigne-elle à instaurer un contrôle médical pour les conducteurs âgés ? La question demeure tabou dans l’hexagone et évidemment dans la région de Nice où les conducteurs surement atteints par la limite d’âge sont pléthore. Elle mérite d’être étudiée à la lumière des mesures qu’appliquent de nombreux pays afin de vérifier si les personnes âgées sont aptes à prendre le volant. Le problème de la dangerosité de certains seniors a ressurgi lors d’un grave accident, le 8 décembre, impliquant un conducteur âgé de 80 ans dans la Meuse à Erize la Petite. Cet homme a foncé sur un cortège blessant sept personnes. Il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de conduire tout véhicule. "Le conducteur reconnaît être impliqué dans l'accident, mais affirme ne pas avoir eu conscience d'avoir heurté des participants au défilé", a précisé le procureur. Ce drame renvoie à un autre, plus grave encore. Dans la nuit du 29 novembre 2002, sur l’autoroute A 7, un conducteur âgé de 81 ans faisait une embardée à une vitesse de 150 km/h et tuait plusieurs pompiers à la hauteur de Loriol (Drôme). Cette tragédie fortement médiatisée justifia l’intervention des pouvoirs publics pour prendre des mesures à l’encontre de certains automobilistes âgés qui sont potentiellement des dangers sur la route. Ainsi, germa l’idée d’un contrôle médical obligatoire, tous les deux ans, pour les plus de 75 ans. Et le Comité Interministériel de sécurité routière décida qu’à partir de 2004, les plus de 75 ans devraient effectuer un examen d’aptitude médicale à conduire tous les deux ans par le médecin traitant. Depuis, cette mesure a été abandonnée pourtant elle s’avérait objective car elle s’appuyait sur des critères médicaux. Rapidement, cette perspective provoqua un concert de protestation, apparaissant discriminatoire à l’égard d’une catégorie d’âge particulière (les plus de 75 ans). Les opposants à ces contrôles répliquent que  les conducteurs âgés ne provoquent pas plus d'accidents que la moyenne des automobilistes. En effet, bien souvent ils compensent la baisse de leurs capacités en roulant moins vite et en évitant de conduire dans des conditions difficiles. Cependant, au delà de 70-80 ans, on observe une hausse du risque par kilomètre parcouru. En 2006, on a dénombré chez les personnes âgées de 65 ans et plus : 901 tués et 8 275 blessés. Les personnes âgées de 65 ans et plus représentent 51 % des piétons tués et 43 % des cyclistes tués, alors qu'ils ne représentent que 16% de la population. La France se montre réticente à imposer un contrôle médical pour les personnes âgées. En revanche, de nombreux pays (Espagne, Danemark, Pays-Bas, Suisse, etc.) associent au renouvellement du permis de conduire le passage d’un examen médical, à partir de 65-70 ans : « la France a une attitude aberrante pour le contrôle médical des seniors, estime Jean Louis Portehaut, directeur de la Prévention routière des Alpes-Maritimes, qui est perçu comme une soit-disant atteinte à la liberté individuelle. En outre, un problème d’organisation se pose : qui fera ces contrôles ? Les médecins du travail sont débordés. Qui financera ? ».Le syndrome français ressurgit : confrontés à une mesure délicate à imposer, les pouvoirs publics, une nouvelle fois, ont préféré différer une réforme pourtant justifiée. D’après la Prévention routière, la vue fournit 90% des informations nécessaires à la conduite. Or, à partir de 45 ans l’appréciation « loin-près » est moins rapide et de plus en plus lente au fur et à mesure qu’on prend de l’âge. L’acuité visuelle baisse (à 60 ans on a besoin de quatre fois plus de lumière qu’à 20 ans pour bien voir). Quant aux réflexes, les seniors réagissent plus lentement aux sollicitations de la route, sans compter les petits soucis de santé, les médicaments…Les contrôles médicaux pour les conducteurs de plus de 75 ans finiront-t-ils par s’imposer ? «  La société française est en train de changer d'attitude par rapport aux conducteurs seniors", estime le docteur Charles Mercier-Guyon, secrétaire du conseil médical de la Prévention routière qui l’a confié au Monde . "Nous évoluons vers un modèle d'intégration et non plus de rejet du conducteur âgé. « (….) «  Autoriser les gens âgés à conduire ne signifie pas être laxiste ! Détecter à temps les seniors à problèmes fait partie de notre travail", souligne ce médecin. Il faudra sans doute encore beaucoup de débats pour convaincre l’opinion. Paul BarelliLe Petit Niçois